Fainotizia.it: Interpol. Want(r)ed.
© mukhtarablyazov.org 10.02.2014

Interpol, l’organisation qui coordonne les actions de poursuite entre les pays, est obligé de respecter la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Pourtant, suite à l’instauration du système i-link, chacun des 190 pays qui le forment, ont la possibilité d’enregistrer dans sa base les donnés des personnes recherchées. Cette information est rendue immédiatement accessible à la police locale. Interpol ne contrôle pas le contenu des mandats d’arrêt ce qui permet à certains pays d’abuser du système dans le but de capturer des dissidents fugitifs. De ce fait, le nombre de notices a augmenté de 160% par rapport à l’année 2008. La plupart provient de pays non démocratiques : la Biélorussie, la Russie, l’Ukraine, la Turquie et le Turkménistan.

Des arrestations inattendues

Quand Petr Silaev, le journaliste russe qui après sa fuite de la Russie, a obtenu en avril 2012 l’asile politique en Finlande, il a retrouvé l’espoir d’une nouvelle vie. Pourtant, en aoûte de la même année il s’est retrouvé en prison à Madrid, d’où il risque d’être extradé. En juillet 2010 Petr Silaev a participé à une manifestation pour la défense du bois Khimki, lors de laquelle la police a eu recours à la force contre les manifestants. Suite à de nombreuses lésions subies à ce moment là, le journaliste russe Mikhail Beketov est mort l’hôpital.

Ales Mihalevic, le candidat d’opposition aux élections présidentielles de Biélorussie en 2010, s’est enfui de son pays où il s’estimait en danger. Il a été par la suite arrêté à l’aéroport par la police polonaise. Il était menacé d’extradition, mais les juges ont constaté que les motifs de son mandat d’arrêt avaient un catactère politique, et ils l’ont libéré. «Je suis un homme libre mais je ne peux pas voyager tranquillement car je sais que mon nom apparaît toujours dans la base de données de certains départements de la police», déclare souvent Mihalevic.

Benny Wenda, le militant pour l’indépendance de la Papouasie de l’Ouest, poursuivi par l’Indonésie a obtenu l’asile politique en Grande Bretagne. Dans ce cas, la nature politique des motivations était évidente. Pourtant le mandat d’arrêt a été retiré seulement après l’intervention de l’organisation «Fair Trials International».

Tous ces cas ont une liaison avec Interpol.

Interpol et les notices rouges: comment cela fonctionne?

Interpol, créé en 1923, et dont le siège est à Lyon, a pour but de renforcer la collaboration entre les organes de poursuite des pays-membres dans la lutte contre la criminalité. Pourtant son système de règles laisse apparaitre des points faibles qui rendent possibles les abus. Il s’agit en particulier des modes d’exploitation des «Notices rouges» (c’est-à-dire les mandats d’arrêt internationaux, particulièrement urgents et importants). La structure d’Interpol a été créée dans le cadre de principes juridiques qui sont censés préserver l’utilisation correcte de ses canaux: le droit international et la Constitution, dont les articles 2 et 3 spécifient que les actions d’Interpol sont conformes aux principes de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, et qui interdit toute intervention à caractère politique, militaire, religieux ou de race. Pourtant, des cas particuliers d’arrestation témoignent d’une situation tout à fait différente, d’autant plus que beaucoup des 190 pays-membres sont les démocraties fictives. «Interpol ne contrôle pas le contenu des mandats de poursuite, ce qui permet à certains pays de capturer des dissidents fugitifs» - explique le juriste polonais, Wojciech Mądrzycki, expert pour la collaboration juridique internationale. «Nous attendons d’Interpol qu’il effectue un contrôle approfondi, mais dans la réalité, et même dans le cas des «notices rouges», l’activité d’Interpol se limite exclusivement aux actions opérationnelles, c’est-à-dire à la capture de la personne recherchée», ajoute le juriste Ernesto Gregorio Valenti. Au sein de la structure d’Interpol, la Commission pour le Contrôle des Mandats auprès de laquelle on peut faire appel dans les cas d’abus ou d’irrégularités éventuelles, s’avère également inutile.

A l’aide du système i-link qui a été instauré en 2009, un pays donné peut enregistrer de façon directe dans la base de donnés d’Interpol une personne recherchée. Cette information est rendue immédiatement accessible aux organes de poursuite dans les pays-membres. Il est vrai que ces notices doivent être validées par le Secrétariat Général, pourtant le seul fait qu’elles soient immédiatement communiquées aux organes de poursuite dans les pays concernés, constitue un problème relatif à la protection des données.

Le risque d’abus

La mise en ouvre du système a augmenté le nombre de mandats d’arrêt. Le dernier rapport de l’organisation «Fair Trials International» intitulé «Le renforcement de droits de l’homme» le confirme: en 2012 Interpol a publié 8,132 notices et leur nombre a augmenté de 160% par rapport à l’année 2008. La plupart sont issues de pays connus pour leurs restrictions sévères sur les libertés civiques et politiques: la Biélorussie, l’Ukraine, la Turquie et le Turkménistan. Il existe également un problème de communication: le rapport de «Fair Trials» révèle que même si l’organisation retire les mandats de poursuite qu’elle estime sans fondement, les départements de police dans les pays-membres ne s’y conforment pas. Cela signifie que la personne dont l’extradition n’est pas approuvée ne bénéficie pas automatiquement de la protection dans un autre pays où elle se rend. Ce procédé est surtout apparent à l’intérieur de l’Union Européenne. «Je connais au moins 250 militants turcs et kurdes qui se sont réfugiés en Europe et qui ont des problèmes avec Interpol», - affirme Ali Caglayan, le dissident turc résidant en Allemagne. En outre, de nombreuses personnes apprennent qu’elles sont recherchées sur la base d’une notice rouge seulement au moment de leur arrestation. A partir de ce moment-là démarre une lente procédure judiciaire qui peut maintenir ces personnes en détention pendant une longue durée. C’était le cas de Henk Tepper, l’agriculteur canadien cultivateur de pommes de terre, qui a été détenu plus d’un an dans une prison libanaise suite à une notice rouge émise par l’Algérie pour une livraison de pommes de terre avariées.

L’affaire Abliazov

Les journaux des jours derniers présentent l’histoire de Moukhtar Abliazov, l’opposant politique kazakh, détenu en France et menacé d’extradition, ainsi que celle de son collaborateur, Alexander Pavlov, l’un des critiques majeurs du président du Kazakhstan, Noursoultan Nazarbaïev. Le tribunal espagnol «Audiencia Nacional» a approuvé son extradition et aujourd’hui, théoriquement, seul le ministre de la justice pourrait l’abroger. L’Espagne est également le seul pays qui a conclu avec le Kazakhstan un accord d’extradition. Pavlov est accusé d’avoir organisé des actions terroristes «pour lesquelles on n’a pas trouvé de preuves» - explique Antonio Sango, le secrétaire du Comité de Helsinki pour les Droits de l’Homme en Italie et membre du Parti Radical Supranational de la Paix. Tous les éléments indiquent pourtant une persécution politique. «A Astana, Pavlov est menacé de tortures et d’un procès illégal», ajoute Anna Koj de la fondation «Dialogue Ouvert», organisation qui dirige la lutte pour les droits des prisonniers politiques. Ses collaborateurs, auteurs du rapport sur «les abus dans le système d’Interpol» expliquent qu’à part les accusations de terrorisme, celles à caractère économiques sont habituellement privilégiées pour formaliser les mandats d’arrêt basé sur des motifs politiques, du fait que ces accusations nécessitent de présenter des preuves nettement moins importantes que dans les cas d’autres délits.

Auteur: Serena GRASSIA

Enregistrement: Lorenzo ASCIONE

Remerciements pour: Antonio STANGO, secrétaire du Comité de Helsinki pour les Droits de l’Homme en Italie 

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