Un ex-oligarque kazakh, un avocat français et des écoutes mystérieuses
© mukhtarablyazov.org 02.04.2014

INFO OBS. Guillaume-Denis Faure a découvert ses SMS professionnels publiés dans la presse ukrainienne. Une affaire très trouble.

Pendant plusieurs semaines, voire peut-être plusieurs mois, le téléphone portable d'un avocat parisien, Me Guillaume-Denis Faure, a été placé sur écoutes. Non pas sur décision judiciaire, mais par des inconnus qui ont aussi piraté sa boîte mail professionnelle. Cet avocat est intervenu pour l'Ukraine dans la procédure d'extradition d'un ex-oligarque kazakh, Mukhtar Ablyazov, accusé par Kiev -et Moscou- de détournements de fonds à hauteur de 6 milliards de dollars. Cet homme d'affaires, aujourd'hui opposant au président Noursoultan Nazarbaïev, à la tête du Kazakhstandepuis 1989, a été arrêté le 31 juillet dans une villa cossue de la Côte-d'Azur et incarcéré. Et le 9 janvier, la justice française a donné un avis favorable à son extradition vers la Russie. Ses avocats se sont pourvus en cassation.

Guillaume-Denis Faure a été mandaté par le précédent gouvernement ukrainien, renversé depuis, pour le représenter dans cette procédure d'extradition. Mi-mars, l'avocat apprend qu'un site ukrainien, trust.ua, reproduit des SMS qu'il aurait reçus ou échangés avec d'autres avocats parties prenantes dans ce dossier ainsi qu'avec un magistrat du parquet général de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
L'article, consacré aux démêlés judiciaires de Mukhtar Ablyazov en France, publie deux enregistrements laissés sur boîte vocale de Me Faure et des courriels d'un cabinet d'avocats ukrainiens avec lequel il est en contact.

Sa réponse judiciaire ne tarde pas. Il porte plainte le 19 mars afin de savoir qui est à l'origine des écoutes dont il a été victime. Des experts informatiques lui ont confirmé le piratage de sa boîte mail. Ses soupçons se portent sur l'entourage de l'ex-oligarque. "S'il est avéré que M. Ablyazov est à l'origine de ces procédés, ce serait cohérent avec son parcours", estime l'avocat, faisant état de la condamnation de l'homme d'affaires à 22 mois de prison en 2012 par la justice britannique pour outrage à magistrats. Les détracteurs du Kazakh n'hésitent pas à le dépeindre en escroc jouant avec cynisme la carte de l'opposant politique.

L'oeuvre de services secrets ?

Un portrait un peu trop caricatural, rétorque son entourage. L'un de ses avocats, Me Peter Salhas, trouve "grossier" que l'on puisse penser que son client soit l'instigateur de ces écoutes. Ce genre de méthodes "pourrait être l'oeuvre des services secrets kazakhs, russes ou ukrainiens", assure-t-il. La publication des SMS est intervenue au moment où le régime du président ukrainien, Viktor Ianoukovitch, s'écroulait, poursuit-il. "La défense de M. Ablyazov est rivée sur le terrain du droit, tout le droit, rien que le droit", répond, Me Jean-Pierre Mignard, autre défenseur de l'ex-oligarque.

Dirigeant de la banque kazakh, BTA, Mukhtar Ablyazov est accusé par Moscou et Kiev d'avoir détourné, via des sociétés écrans, les fonds des filiales russes et ukrainiennes de BTA à hauteur respectivement de 5 milliards et 400 millions de dollars.

Après avoir fait fortune au milieu des années 90, il a connu une ascension rapide dans les cercles du pouvoir. Nommé en 1998 ministre de l'Energie, poste stratégique dans ce pays aux sous-sols riches en gaz et en pétrole, il a repris un an plus tard le chemin des affaires avant d'être accusé de malversations.
Principal financier du parti d'opposition, Choix démocratique kazakh, il est condamné en 2002 à six ans d'emprisonnement. Gracié en 2003, il a été nommé à la présidence de la BTA, jusqu'en 2009, année de sa nationalisation forcée et de nouvelles accusations d'escroquerie. Mukhtar Ablyazov s'est enfui la même année en Grande-Bretagne où il a obtenu l'asile politique en 2011. Mukhtar Ablyazov est soutenu par plusieurs ONG.

Source: tempsreel.nouvelobs.com