Nous savons qui a tué Altynbek Sarsenbayev
Mukhtar Abliazov
Le gouvernement s’affaire d’une nouvelle procédure pénale concernant le meurtre d’Altynbek Sarsenbayev et de ses assistants. Nazarbayev tente, encore une fois, de cacher son crime. Mais il n’y arrivera pas - nous savons bien qui est le vrai coupable.
Au printemps 2005 j’ai rencontré Altynbek Sarsenbayev à Moscou, pour parler d’un candidat de l’opposition aux élections présidentielles. Lui, il a proposé Zhurmakhan Tuyakbay comme candidat, moi - j’étais plutôt sceptique quant à ce projet, et je lui ai proposé de poser sa candidature lui-même. Altynbek a dit qu’alors Nazarbayev l’aurait tué sur le champ. Moi, j’ai pensé que Nazarbayev n’oserait pas se débarasser d’un candidat public, de sorte qu’Altynbek ne serait pas exposé à de graves risques. D’habitude Nazarbayev frappe le deuxième rang. Mais à l’époque j’ai soutenu la proposition d’Altynbek, parce qu’il était important de créer un précédent - c’est-à-dire d’unir toute l’opposition.
En automne 2005, Nazarbayev a convoqué quelques hommes d’affaires importants - y compris moi - pour nous demander de le soutenir aux élections. Après cette réunion il nous a invités au déjeuner. À part dix hommes d’affaires connus, des ministres et les assistants de Nazarbayev étaient présents. Nazarbayev était très troublé par le fait que l’opposition a réussi à présenter un candidat commun - Zharmakhan Tuyakbay.
Le gouvernement a tyrannisé l’opposition : en intimidant les gens, en organisant des attaques dans plusieurs régions, en arrêtant les activistes. Il y avait des cas de kidnappings et de meurtres de gens trop engagés dans le soutien à l’opposition. Zamanbek Nurkadilov menait à l’époque une campagne électorale intensive. Parmi ses partisants on voyait souvent Altynbek Sarsenbayev. En Ukraine, après la «révolution orange», c’est l’opposition qui a pris le pouvoir. Plusieurs experts internationaux supposaient que le Kazakhstant serait le pays suivant pour le changement de régime. Nazarbayev était très inquiet par cette situation. En automne 2005 Altynbek a admis que la candidature de Tuyakbay était une erreur. Il m’a demandé encore une fois à qui j’apporterais mon soutien. Je lui ai répondu: à lui. Dans l’hypothèse que le gouvernement réussirait à se débarrasser de Tuyakbay au cours de la campagne (à l’époque je n’excluais pas le risque de sa réelle liquidation), nous avons convenu, au nom du mouvement Choix Démocratique du Kazakhstan, de soutenir la candidature d’Altynbek à la place de Tuyakbay aux élections présidentielles. La situation au Kazakhstan était très tendue.
Pendant le déjeuner, Nazarbayev parlait beaucoup des élections prévues, et de sa contribution prétendue au développement du Kazkahstan. Il avait des mots très durs à propos de Tuyakbay, Nurkadilov et Sarsenbayev. Mais c’étaient Nurkadilov et Sarsenbayev qui provoquaient sa plus grande colère. Quant il parlait d’eux, on voyait bien qu’il les détestait. Tout à coup, il a dit, de manière menaçante: «Ce n’est rien ! J’ai ordonné de noter chacune de leurs paroles. Tous leurs discours. Après les élections ils vont rendre compte de chaque parole! Je leur ferai assumer leur responsabilité sans pitié!».
Autour de la table, tout le monde se tut, gêné. Nous avons bien compris que ce n’était pas une menace innocente.
À peine quelques semaines plus tard, le 12 novembre 2006, Zamanbek Nurkadilov a été tué. Pour tous qui étaient présents à la réunion, il était clair que Nararbayev avait commencé à réaliser ses menaces. Quelqu’un pourrait douter de l’importance des menaces de Nazarbayev de régler ses comptes après les élections. En réalité, le meurtre de Zamanbek Nurkadilov était soigneusement préparé. Il était évident que les résultats des élections allaient devoir être falsifiés. Mais en 2005 la situation était très tendue et Nazarbayev craignait que l’opposition inciterait ses partisans à descendre dans la rue. C’était justement comme ça que les «oranges» ont pris le pouvoir en Ukraine. Nazarbayev voulait montrer aux leaders de l’opposition et aux citoyens qu’il ne renoncerait pas au pouvoir sans combat. Son dessin était de les intimider par le meurtre de Nurkadilov. Voilà pourquoi Zamanbek Nurkadilov est devenu la victime de Nazarbayev. Et c'est justement ce qui s'est passé. Quand les journalistes ont demandé à Tuyakbay si les leaders de l’opposition iront inciter les gens à descendre dans la rue, il a répondu que lui, il ne le ferait pas, de crainte pour leur sécurité, mais si les gens descendaient quand même, il les rejoindrait. Évidemment, ce n’étaient pas les paroles d’un leader de l’opposition. Pas d’un leader...
Les élections présidentielles ont eu lieu le 4 décembre 2005, avec des irrégularités importantes.
Et en février 2006, après l’inauguration, Altynbek Sarsenbayev et ses assistants sont devenus les victimes suivantes. Malheureusement, mes prévisions se sont réalisées - «le deuxième rang» a été éliminé. Les menaces de Nazarbayev, proférées devant 20 personnes présentes autour de la table, se sont réalisées. Nous en sommes les témoins.
Au moins 1000 personnes ont assisté au repas d’enterrement d’Altynbek Sarsenbayev et de ses assistants à l’hôtel «Almaty». La femme d’Altynbek, brisée par la douleur, a dit: «Je sais qui l’a tué!». Elle n’a pas dit à haute voix le nom de Nazarbayev, mais tous savaient très bien à qui elle pensait. Le lendemain la revue «Respublika» a publié son discours sous le titre «Je sais qui a tué Altynbek».
Et nous aussi, nous savons très bien qui a tué Altynbek Sarsenbayev et ses assistants. Nous - les témoins des menaces. Peu importe jusqu’où iront les efforts de Nazarbayev ayant pour but de rejeter la faute sur les autres, nous savons très bien qui est responsable de la mort de Sarsenbayev!
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