Human Rights Watch: Nouvelles - Un tribunal français débat de l’affaire d’un opposant kazakh qui risque l’extradition © mukhtarablyazov.org
Il semble que tout le monde veuille s’arracher un morceau d’Ablyazov - ancien président de la banque BTA, opposant kazakh accusé de nombreux crimes et depuis des années détracteur du président Noursultan Nazarbayev.
Le 12 décembre dernier le tribunal à Aix-en-Provence a examiné les arguments pour et contre l’extradition d’Ablyazov vers l’Ukraine et la Russie. Dans ces deux pays il est poursuivi à la base de nombreuses accusations portant notamment sur le prétendu détournement de fonds pour un total de plusieurs milliards de dollars au cours de son travail dans la banque BTA. Les autorités kazakhes demandent aussi l’extradition directe d’Ablyazov, malgré l’absence d’accord d’extradition entre le Kazakhstan et la France. Elles accusent Ablyazov d’avoir détourné plus de 5 millions de dollars de la Banque BTA ; Paris n’a pas traité cette demande.
Pendant l’audience du 12 décembre le procureur français insistait sur l’extradition d’Ablyazov vers l’Ukraine ou vers la Russie, avec une préférence pour la Russie, où Ablyazov aurait détourné des sommes plus importantes. Les défenseurs de Mukhtar Ablyazov soutiennent que la déportation de leur client vers l’un de ces pays, vu qu’il y risque de la torture et des mauvais traitements, constituerait une grave violation des obligations internationales et européennes en matière de droits de l'Homme.
Nous ne connaissons pas encore les résultats de l’audience qui a eu lieu hier (le tribunal rendra le jugement dans la première moitié de janvier 2014), mais une chose est évidente : Ablyazov, qui a obtenu le statut de réfugié en Grande Bretagne, une fois déporté vers l’Ukraine ou la Russie risque réellement la déportation vers le Kazakhstan, et la France est obligée de le protéger contre un tel sort. Le Kazakhstan ne cache pas ses intentions d’utiliser tous les moyens juridiques pour faire venir Ablyazov dans le pays, dans le but de le traduire en justice.
Les traités internationaux concernant la défense des droits de l’Homme obligent l’Ukraine et la Russie à ne déporter aucune personne vers un pays où elle risque de la torture ou des mauvais traitements, mais ces deux pays sont connus pour ne pas avoir trop souvent respecté ces obligations. Au cours des mois derniers le Parquet Général de la Russie a ordonné l’extradition de plusieurs ressortissants ouzbeks vers le Kirghizstan, avec la violation notamment de l’interdiction générale de la torture.
Vu les démarches bien connues des autorités kazakhes, il est évident qu’Ablyazov sera transporté vers le Kazakhstan, où il court un risque réel de traitement cruel et d’un procès inique.
Au cours des deux dernières années, depuis la grève à Zhanaozen, une ville pétrolière à l’Est du Kazakhstan, au cours de laquelle la police a abattu au moins 12 personnes, nous - les journalistes avons fourni des preuves du recours à la torture et aux traitements cruels, qui n’ont jamais été l’objet d’un procès équitable mené par les autorités kazakhes. Je me souviens trop bien du procès du leader de l’opposition Vladimir Kozlov, que j’ai observé dans la salle d’audience en septembre 2012 à Aktau. Ce procès, mené avec la violation fréquente des lois, n’a pas répondu aux standards internationaux d’un procès équitable, et pourtant le tribunal a rendu le jugement et a condamné Kozlov à sept ans et demi de prison.
Si le tribunal à Aix-en-Provence accepte la demande d’extradition ukrainienne ou russe, Ablyazov connaîtra finalement le même destin que Kozlov.
Auteur: Mihra Rittmann - HRW
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