Noursoultan Nazarbayev La dictature présidentielle
Le Kazakhstan fut la dernière république soviétique à déclarer son indépendance de l'URSS. Les années juste après son indépendance sont passées sous l'égide de réformes, qui ont maintenu le système soviétique de gestion de l'économie et le modèle politique du pouvoir.
Par la Constitution, Nazarbaïev était autorisé de remplir la fonction du président pendant quatre ans, maintenant, il a obtenu le titre du président à vie.
En 1991, Noursoultan Nazarbayev est élu président de la République du Kazakhstan, après avoir précédemment été le secrétaire général du Parti communiste du Kazakhstan. Depuis son accession au poste de président, Nazarbayev a méthodiquement élargi le champ et la durée de ses pouvoirs. Le Kazakhstan est passé d'une république soviétique à une dictature présidentielle.
Nazarbayev a prolongé son mandat à travers une série d'élections et de référendums, dont aucun n'a rempli les standards internationaux. Constitutionnellement, Nazarbayev devait exercer son mandat présidentiel durant quatre ans. Il a maintenant obtenu le titre de président à vie.
A travers l'office du président, Nazarbayev contrôle effectivement l'exécutif, le parlement et les pouvoirs judiciaires du pays. Le président peut exercer le pouvoir à travers des décrets. Il dispose du pouvoir exclusif de nommer et révoquer des juges et des ministres. Nazarbayev exerce aussi son pouvoir à travers une administration présidentielle étendue, qui est en partie un vestige de l'ancienne nomenklatura communiste.
Les racines des la dictature présidentielle de Nazarbayev
La constitution du Kazakhstan, approuvée en 1995, définit le président en tant que pouvoir suprême dans toutes les affaires d'état. La constitution appelle le président: «chef d'état», «pouvoir officiel», «le symbole et la garantie de l'unité du peuple et du pouvoir d'état», ou «symbole et garantie des droits de l'homme et de la liberté».
Contrairement aux pays dans lesquels il existe une séparation des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires, la constitution du Kazakhstan concentre le pouvoir dans l'institution présidentielle. Le président nomme les hauts fonctionnaires d'état, dont le premier ministre, le procureur général, le chef du Comité de sécurité nationale (KNB, successeur du KGB soviétique), le président de la Cour suprême ainsi que les juges de rang inférieur, le président ainsi que deux membres de la Commission électorale centrale (CEC), qui surveille les élections. La chambre basse du parlement a l'obligation de confirmer le choix du président pour le poste de premier ministre et le sénat confirme le choix de procureur général, le chef du KNB, les juges de la Cour suprême ainsi que le président de la Banque nationale. Le parlement n'oppose jamais les choix du président. La modification ou le changement de la constitution requièrent aussi l'approbation présidentielle.
Le règne de Noursoultan Nazarbayev
Noursoultan Nazarbayev a été élu président avec 91,5% des voix au premier tour des élections en décembre 1991. Avant l'accession du Kazakhstan à l'indépendance, Nazarbayev était le premier secrétaire du Parti communiste du Kazakhstan, et a été nommé président du conseil des ministres en 1989.
La loi permet à Nazarbaïev – et seulement à Nazarbaïev – de solliciter la réélection plusieurs fois.
Le mandat initial de Nazarbayev devait durer jusqu'à fin 1995, mais fut prolongée grâce à un référendum, dans lequel Nazarbayev a obtenu 95% des voix – c'est ainsi que son mandat fut prolongé jusqu'en 2000. La majorité des voix durant le référendum fut garantie par la façon dont la question était formulée. Les électeurs devaient répondre «oui» ou «non» à une seule question, mais avec des parties multiples: «êtes-vous pour la confirmation du droit à la propriété privée, le maintien de la souveraineté du Kazakhstan, de la langue kazakhe en tant que langue d'état et la prolongation du mandat de Nazarbayev?».
Nazarbayev fut ensuite élu pendant les élections de janvier 1999 et décembre 2005. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a émis des doutes quant à la transparence des élections de 1999 et a commenté les élections de 2005 de la manière suivante: «[les élections] ne répondent pas à une série de recommandations de l'OSCE et autres critères pour des élections démocratiques».
En 2007, le parlement a accepté une modification de la constitution, abolissant la limite de deux mandats présidentiels. Le changement des règles permet à Nazarbayev (et à lui seulement) de chercher à être réélu de multiples fois.
Le culte de la personnalité est bien vivant au Kazakhstan. En mai 2010, le parlement a attribué le titre de «chef de la nation» à Nazarbayev. Ce titre n'a pas seulement une signification symbolique, mais donne au président une immunité pénale et civile, valable durant tout son mandat. L'image du président, portant le titre de «chef de la nation» est entourée de protections spéciales – toute critique à son égard est considérée comme un crime grave.
Le scénario de la succession
Nazarbayev a 73 ans cette année. Des problèmes de santé graves l'obligent à chercher à transmettre le pouvoir. Puisque Nazarbayev gouverne le pays depuis l'époque soviétique et que dans les pays autocratiques les changements sont souvent liés à des bouleversements, il s'y prépare de façon très organisée. En observant de loin les efforts du Kazakhstan sur la scène internationale à être perçu comme un pays démocratique modèle qui, malgré le manque de tradition en ce sens, un environnement difficile et une mosaïque ethnique et religieuse, se distingue par une stabilité interne et un développement impressionnant, nous pouvons nous poser une question: pourquoi une vague de répressions inconnue jusqu'à ce jour est apparue ces deux dernières années?
Le scénario de la succession à trois étapes
- Les changements légaux, approuvant à Nazarbaïev, entre autres, le titre du Père de la Nation, et l’immunité patrimoniale et personnelle à vie
- Pacifier les milieux indépendants, assurer la «paix interne»
- Changements dans les cadres : Nazarbaïev remplace les anciens cadres par les gens qui sont liés avec lui par des liens du clan et de famille
Le scénario du passage de pouvoir comprend trois phases. La première fut celle des changements sur le plan institutionnel, honorant Nazarbayev avec le titre de «chef et père de la nation», ainsi que lui attribuant une immunité personnelle et financière (qui s'étend d'ailleurs aux membres de sa famille). La loi électorale fut aussi changée dans le cas du président laissant son poste avant le terme de son mandat – le président du sénat remplit alors les fonctions de chef d'état jusqu'à la fin du mandat en cours, sans devoir organiser des élections anticipées (ce qui signifie encore 3 ans à l'heure actuelle). La deuxième fut la pacification de tous les milieux indépendants, avec pour but de garantir la «paix intérieure» et donc de couper court à toute critique pouvant provenir des médias ou de l'opposition. La troisième, une redistribution des postes, y compris aux plus hauts échelons du pouvoir. En automne passé, le premier ministre et le chef de l'administration présidentielle ont été démis de leurs fonctions. En janvier, ce fut le tour du chef d'état major des forces armées et le commandant des forces internes. Mais ce ne sont que les cas les plus flagrants. Nazarbayev remplace des subordonnés, certes loyaux mais qui pourraient avoir le temps de former des factions propres, et donc dangereux, par des têtes nouvelles, de préférence liées à lui par des liens de sang ou de clan. Selon les spéculations actuelles, son successeur pourrait être son neveu, Akhmetzhan Yessimov, gouverneur d'Almaty, qui prendrait d'abord le poste de président du sénat.