La Grande-Bretagne Le procès contre M. Abliazov en Grande-Bretagne
M. Abliazov est un citoyen kazakh et jusqu'en février 2009, il était le président et l'actionnaire majoritaire de la BTA Bank S.A. M. Abliazov est l'opposant principal du régime actuel au Kazakhstan et de son leader autocratique, Noursoultan Nazarbayev. Du fait qu'il soit un opposant, M. Abliazov considère que la campagne qui a été orchestrée contre lui l'a été faite sur l'initiative du président Nazarbayev et qu'elle a un fondement purement politique.
M. Abliazov considère que les actions du régime de Nazarbayev ont atteint leur apogée au début février 2009, lors de la nationalisation forcée de la BTA Bank, grâce à laquelle le régime de Nazarbayev, à travers le fonds souverain Samruk-Kazyna, a pris le contrôle de la banque et exproprié les actions de M. Abliazov.
La position des autorités kazakhes, et de la banque elle-même, est que le gouvernement n'était pas intéressé par la banque jusqu'au moment où le gouvernement a été obligé de reprendre la banque dans le cadre d'une «opération de sauvetage». M. Abliazov nie cela fermement.
M. Abliazov a obtenu l'asile politique en Grande-Bretagne en 2011, lorsque les autorités britanniques ont considéré qu'il avait des craintes justifiées d'être persécuté par les autorités kazakhes.
Le début du procès
Au printemps 2009, une des sociétés appartenant à M. Abliazov et actionnaire de la BTA Bank, a commencé une action en arbitrage contre le gouvernement du Kazakhstan, cherchant à être compensée pour l'expropriation illégale de ses actions dans la BTA Bank. Après le début de l'action en arbitrage, la nouvelle direction de la BTA Bank nationalisée a intenté un procès à M. Abliazov lui-même, ainsi qu'à ses proches.
Le 13 août 2009, la BTA Bank nationalisée a obtenu une décision, valable de par le monde, sur le gel des actifs de M. Abliazov (« Ordonnance de blocage »), selon les termes de laquelle M. Abliazov a dû dévoiler une longue liste d'actifs.
Depuis 2009, la BTA Bank a présenté 11 requêtes (« Requêtes ») contre M. Abliazov, ainsi que contre diverses autres parties, en fonction de la nature de la requête) devant les cours anglaises. Les revendications de la BTA Bank contre M. Abliazov sont basées sur le fait que, enfreignant les devoirs que la loi kazakhe soi-disant lui imposait, M. Abliazov avait fait des transactions suite auxquelles la BTA Bank aurait fait des pertes.
Trois de ces requêtes en justice ont été sélectionnées par la cour pour faire partie d'un procès consolidé qui a débuté en novembre 2012. Dû aux circonstances décrites ci-dessous, M. Abliazov n'a pas pris part au procès et les preuves censées le disculper face aux accusations de la BTA Bank n'ont pat été prises en considération par la cour anglaise.
Position de M. Abliazov face aux actions en justice
M. Abliazov maintient qu'il est innocent du détournement de fonds dont on l'accuse et que les accusations à son encontre font partie de l'arsenal politique du président kazakh, qui chercherait à éliminer ainsi un opposant politique. M. Abliazov a maintenu à maintes reprises que c'est justement la nationalisation illégale de la BTA Bank en 2009 qui a conduit l'institution financière kazakhe au bord de la ruine.
M. Abliazov considère que les actions en justice en Grande-Bretagne font partie de la même campagne, menée en dehors des frontières kazakhes sur l'initiative du régime de Nazarbayev, à laquelle s'ajoutent des poursuites civiles et pénales en Russie et en Ukraine. Elles ont pour but de terminer l'expropriation des avoirs de M. Abliazov, ainsi que de mettre en doute et détruire sa réputation, dans ces pays et sur la scène internationale.
La demande de suspension de la procédure par M. Abliazov
En 2010, M. Abliazov, a demandé le rejet des charges contre lui ou l'abandon des poursuites (« Demande de sursis à statuer »), arguant que les actions de la BTA Bank constituaient, et constituent toujours, un abus de la procédure juridique anglaise, qu'elles étaient pénibles et contraires à la politique publique du gouvernement britannique, puisqu'elles étaient la continuation des efforts illégaux du gouvernement kazakh à exproprier M. Abliazov de ses avoirs et l'éliminer en tant qu'opposant politique. Il a maintenu que les efforts du gouvernement kazakh étaient accompagnés de violations de la loi internationale et de ses droits de l'homme, ainsi qu'illégales du point de vue de la loi anglaise. Il a aussi affirmé que la BTA Bank n'était pas une entité légale indépendante, mais qu'au travers du fonds souverain Samruk-Kazyna, ainsi que des personnes nommées par le gouvernement du Kazakhstan à remplir les fonctions dirigeantes de la BTA Bank, ne constituait qu'un outil dans les mains de ce même gouvernement, sous le contrôle du président Nazarbayev et des autorités kazakhes. M. Abliazov a affirmé qu'après sa nationalisation, la BTA Bank a été utilisée par le président Nazarbayev et son régime pour poursuivre M. Abliazov, et ce afin d'atteindre son but premier: son élimination en tant que force politique, opposée au président Nazarbayev.
La demande d'abandon des poursuites déposée par M. Abliazov a été rejetée. Le juge a trouvé que puisque les demandes d'abandon étaient basées sur l'existence d'un plan pour l'élimination de M. Abliazov en tant qu'opposant politique, les arguments de M. Abliazov dans la demande sont sans fondement, puisqu'elles imposent à la cour de prendre une décision quant à la légalité des actions d'un gouvernement souverain et indépendant dans le cadre de sa propre juridiction, c'est-à-dire de juger si la nationalisation de la BTA Bank était en réalité illégale et invalide. Le juge a trouvé que c'était discutable si le but principal de l'action en justice était d'éliminer M. Abliazov en tant qu'opposant politique, mais a ensuite trouvé que l'action en justice ne constituait pas un abus de procédure. Ce qui était important, l'accusation selon laquelle il n'était pas possible que M. Abliazov ait droit à un procès équitable, puisque les autorités kazakhes prendraient des mesures, y compris la persécution des témoins pour empêcher M. Abliazov d'obtenir les preuves, informations et documents nécessaires pour soutenir sa défense, était une question que le juge a décidé de n'approcher que pendant le procès découlant de ces accusations. Cependant, ainsi que décrit plus-bas, on n'a pas permis à M. Abliazov de participer à ce procès.
Le danger d'attentats contre M. Abliazov ainsi que la surveillance ininterrompue de lui et de sa famille
Le 29 janvier 2011, M. Abliazov a reçu un «Avis de menace pour la sécurité personnelle» (mieux connu en tant que « Alerte Osman » ) de la police métropolitaine de Londres
Osman warning
- Avertissement sur la menace de la vie et le risque de l’attentat à la vie
- Il est utilisé quand la menace réelle existe, mais il manque des preuves suffisantes
(Metropolitan Police Service). Une «Alerte Osman» est un document qui avertit officiellement une personne quand la police considère que la sécurité ou la vie de cette personne sont en danger. Dans cette alerte délivrée à M. Abliazov, un fonctionnaire de la police métropolitaine de Londres déclare que: «vous pourriez être enlevé ou subir des dommages à la santé ; ces actions pourraient avoir une motivation politique. La police n'est pas en mesure de vous garantir une protection 24/7 contre cette menace».
En même temps que le procès en justice, la BTA BANK, à travers Hogan Lovells, ses avocats, a chargé l'agence de détectives Diligence de surveiller M. Abliazov et sa famillede manière a peu près continue pendant une longue période, probablement des années.
Par exemple, Hogan Lovells ont présenté des preuves durant le procès dont il découle qu'en 2011, sur demande de la BTA Bank, des détectives ont suivi et photographié, entre autres, la femme de M. Abliazov et sa fille de quatre ans, sa fille aînée, les frères de sa femme ainsi que leurs familles à Riga en Lettonie.
Simultanément avec la procédure judiciaire, la banque BTA, par l’intermédiaire de ses avocats de « Hogan Lovells », a demandé à la société des détectives «Diligence» de surveiller Ablyazov et sa famille.
BTA Bank a affirmé que le but de cette surveillance constante était la protection des actifs soumis à l'ordre de blocage. Cependant, il reste peu clair comment une surveillance continue de M. Abliazov, de ses enfants mineurs ainsi que de sa famille devait contribuer à ce blocage. La position de M. Abliazov est que la surveillance constante ordonnée par la BTA Bank (agissante en réalité comme exécutant des autorités kazakhes) ne laissait rien à désirer à une opération d'espionnage soviétique qui aurait été lancée contre lui et sa proche famille.
Le cas de l'arrestation et des injonctions qui en découlent
Le 16 mai 2011, la BTA Bank a demandé l'arrestation de M. Abliazov pour outrage à la cour, pour avoir, selon elle, omis de déclarer des biens et/ou avoir géré ces biens, ce qui constituerait une enfreinte à l'ordre de blocage. M. Abliazov conteste ces accusations. Cependant, le 16 février 2012, le juge Teare a déclaré que M. M. Abliazov avait outragé la cour. M. Abliazov ne s'est pas présenté à la lecture du verdict et a été condamné à 22 mois de privation de liberté pour outrage à la cour.
Privation du droit de plaidoirie
- Le juge Teare a privé Ablyazov de la plaidoirie, faisant référence à l’outrage au tribunal prétendu
- La non-divulgation du total des actifs et l’absence devant le tribunal ont été jugés l’outrage au tribunal
- Ablyazov souligne que la détention dans la prison aurait rendu sa plaidoirie impossible
- pour comparer : il a été admis à Polanski, accusé de viol (donc, d'une affaire pénale, et le cas Ablyazov résulte d’une demande civile), de faire mener la plaidoirie par l’intermédiaire des juristes.
M. Abliazov ne s'est pas présenté aux autorités puisqu'il a jugé qu'en cas d'arrestation, il se trouverait en danger réel d'attentat contre sa vie (durant son incarcération), sur ordre du président Nazarbayev. Au cours des dernières années, des opposants au régime kazakh ont été assassinés et M. Abliazov lui-même a survécu à plusieurs attentats contre sa vie. Il a aussi trouvé qu'étant en prison, il ne pourrait récolter les fonds nécessaires à couvrir les frais de sa défense dans les procès intentés contre lui, qu'il perdrait ensuite faute d'avoir pu se défendre. Depuis février 2012, le lieu où séjourne M. Abliazov est inconnu. Il considère qu'à cause de son opposition au régime kazakh, la divulgation de son lieu de séjour constituerait une menace trop importante, puisque ce régime tente de l'éliminer en tant que source de l'opposition politique.
Le 29 février 2012, sur la base de la requête formulée par la BTA Bank, la High Court de Londres a délivré une injonction de coercition contre M. Abliazov (« Unless Order »). L'injonction de coercition forçait M. Abliazov de se mettre à disposition de la cour, et pouvoir ainsi être arrêté, ainsi que de faire une déposition quant à ses actifs actuels. Ces dispositions ont été définies comme des conditions de son aptitude à plaider sa défense dans les procès en cours contre lui. L'injonction supposait que si M. Abliazov ne remplissait pas les conditions de l'injonction de coercition, il ne serait pas admis à se défendre dans les huit procès en cours contre lui (pour une somme totale de 4,5 milliards de dollars) et la BTA Bank pourrait obtenir un jugement contre lui sans procès.
M. Abliazov ne s'est pas livré aux mains de la justice et à cause de cela a été privé de la possibilité de se défendre dans les procès contre lui. Le 9 novembre 2012, l'argumentation de la défense de M. Abliazov, déposée en réponse aux huit procès civils ouverts contre lui par la BTA Bank, a été rejetée par la cour sans procès. La BTA Bank a ensuite obtenu la permission de demander un jugement contre M. Abliazov dans ces procès.
Les jugements contre M. Abliazov
Le 23 novembre 2012, sur la base de l'injonction de coercition qui a privé M. Abliazov de la possibilité de prendre part au procès, le juge Teare a rendu un jugement par défaut en l'absence de la défense, sans procès, dans deux affaires, connues sous le nom de DCM et Drey, pour un montant total de 1,6 milliards de dollars. Et ensuite, le 19 avril 2013, il a rendu un jugement dans le cas d'une assignation pour un montant de 1,2 milliards de dollars (« Jugements »).
Ce qui est important, durant le procès pour ces trois affaires qui a débuté en novembre 2012, M. Abliazov n'a pas eu la possibilité de fournir des explications, l'argumentation de sa défense n'a pas été prise en compte et l'on n'a pas examiné les preuves matérielles déposées en son nom. La High Court n'a ainsi ni évalué ni pris en compte les arguments présentés par M. Abliazov.
Si M. Abliazov avait pu utiliser son droit de se défendre des accusations portées contre lui, une de ses défenses aurait été que les accusations portées contre lui étaient injustes, motivées politiquement et qu'il n'a pas eu droit à un procès équitable. Comme il l'a expliqué, ces arguments n'ont pas été examinés par la cour anglaise, puisque M. Abliazov a été privé du droit à un procès équitable ainsi que de l'examen et de l'évaluation de sa défense et de ses craintes par la cour.
M. Abliazov fait recours contre l'injonction de coercition devant la Cour européenne des droits de l'homme, en argumentant que la décision sur le gel de ses avoirs était en contravention de l'article 6 [de la Convention européenne des droits de l’homme], le droit à un procès équitable, ainsi que de l'article 1 du protocole no. 1, la protection de la propriété. Il attend une décision sur son recours.
Exemples de requêtes extrêmes dans le procès en cours
Durant le procès en cours, la BTA Bank a bénéficié d'une série d'injonctions sans précédent des cours anglaises:
injonctions contre les fournisseurs de services internet qui hébergeaient les comptes courriels de personnes que la BTA Bank soupçonnait de collaborer avec, ou travailler pour, M. Abliazov. Ces injonctions ont été délivrées sans que M. Abliazov en soit averti et étaient équivalentes à de l'espionnage électronique effectué par une société privée. BTA Bank a surveillé divers comptes courriel pendant environ trois [...].
En novembre 2010, la High Court a nommé des administrateurs pour gérer les avoirs de M. Abliazov, afin de protéger la BTA Bank contre un soi-disant risque de dissipation de ceux-ci. À chaque fois, la High Court place de nouvelles sociétés sous le contrôle d'administrateurs, sur la base de requêtes déposées par la BTA Bank, sans en informer M. Abliazov. La BTA Bank assure que ces entreprises font partie du «consortium Abliazov», ce que M. Abliazov réfute.
Dernièrement, en décembre 2012, les autorités kazakhes ont interdit pour cause de «propagande extrémiste», toute activité de la part des journaux indépendants d'opposition Respublika et Vzglyad, de la chaîne de télévision K+, du portail web StanTV ainsi que de leurs sites web respectifs. Ensuite, le 25 janvier 2013, le juge Teare a délivré une injonction sur requête (ex parte injunction) contre trois entreprises appartenant à l'opposant kazakh Muratbek Ketebayev, dans lesquelles il a décidé de (i) geler leurs avoirs (ii) nommer des administrateurs, comme s'il s'agissait d'actifs appartenant à M. Abliazov et qu'elles faisaient partie de son «consortium». Les entreprises dont les avoirs ont été gelés sont propriétaires de la chaîne de télévision K+, qui critique, depuis des années et sans relâche, le régime de Nazarbayev au Kazakhstan. Ces entreprises possèdent aussi leurs propres domaines web: Kplus-tv.net, Stan.tv et Respublika-kz.com. Ketebayev ne fait partie des accusés dans aucun des procès en cours, il n'a non plus pas été appelé à témoigner. Sur demande de la BTA Bank, l'injonction de la cour anglaise a été maintenue secrète pendant plus d'un mois et n'a été dévoilée publiquement que le 22 février 2013. De plus, le 22 février 2013, une cour kazakhe a pris la décision de fermer illégalement les journaux Respublika et Vzglyad, la chaîne K+ et le portail web StanTV en tant que «média unique» alors que cette notion n'existe pas dans dans la législation kazakhe.
Conclusion
La position de M. Abliazov est que le président Nazarbayev le considère comme une menace pour son régime et emploie des fonds publics énormes pour l'éliminer. On estime que la BTA Bank, qui a subie deux restructurations depuis 2009 et est de fait en faillite, a dépensé plus de 150 millions de livres en frais de justice dans ses procès contre M. Abliazov et ses associés.
Le procès contre M. Abliazov est sans précédent. L'affaire en justice dure depuis environ 4 ans englobant, comme écrit précédemment, 11 procès intentés devant les cours anglaises. Les juges ont décrit ce procès diverse: comme ayant une «taille énorme» et rappelant une «guerre de tranchées». Jusqu'à présent, la High Court ainsi que la Court of Appeal ont rendu plus de 35 décisions dans cette affaire.
Étant en possession d'avoirs financiers à peu près illimités, la BTA Bank s'est comportée d'une manière extrêmement agressive pour une partie dans un procès civil. La BTA Bank a sans arrêt déposé des requêtes contre M. Abliazov, couvrant les frais de justice, ceux de la divulgation d'informations, de la divulgation des données de différentes personnes associées avec M. Abliazov, et en formulant des accusations quant à l'ordre de blocage et demandant une autre équipe d'administrateurs. La BTA Bank a déposé des requêtes pour outrage à la cour contre au moins quatre accusés, ainsi qu'une autre personne qui n'était pas accusée mais qui témoignait uniquement. M. Abliazov considère que la stratégie utilisée par les avocats de la BTA Bank consiste à essayer d'anéantir financièrement ses adversaires, en leur intentant sans cesse de nouveaux procès, les obligeant par la même à subir d'énormes frais de justice pour se défendre.