Zhovtis et Fejgin au sujet de l’audience d’Ablyazov
„Moukhtar se défend avec acharnement, il formule correctement ses arguments (…) mais, à mes yeux il a maigri et il a l’air très fatigué » - a affirmé Yevgeniy Zhovits qui a participé en tant qu’observateur à la dernière audience d’Ablyazov à Lyon.
Le 25 septembre s’est tenue une audience devant la Cour d’Appel de Lyon lors de laquelle devait être examiné la demande de l’Ukraine concernant l’extradition d’Ablyazov. Compte tenu de l’ampleur du dossier, le tribunal a été obligé de reporter l’audience au 17 octobre. Dans l’intervalle, le défenseur des droits de l’homme, Yvgeniy Zhovits et l’avocat russe, Mark Fejgin, qui étaient présents à la salle d’audience, relatent le déroulement de l’audience qui a duré plus de 12 heures et s’est terminée après 21.00.
Zhovits est arrivé à Lyon directement de Varsovie où se tenait une conférence annuelle de l’OSCE, consacrée à la surveillance de la situation des droits de l’homme au sein des pays-membres de cette organisation. Dans l’interview accordée à un journal kazakh il a raconté le déroulement de l’audience. La seule vision d’Ablyazov menotté et sous une forte escorte qui l’a ramené à la cour (un véhicule prioritaire avec la sirène assisté par deux hélicoptères, partout on a disposé des groupes nombreux de policiers armés jusqu’aux dents) était effrayante. Dans la salle même où l’audience se déroulait, le dissident était surveillé constamment par trois hommes armés, en cagoule. Il reste à savoir si ces moyens de sécurité renforcée devaient protéger Ablyazov lui-même ou bien si c’était l’inverse ? Cette question a été posée maintes fois pendant l’audience. Comme le rapporte Zhovits, le procureur aurait expliqué que suite à des dénonciations d’attentats possibles contre Ablyazov, celui-ci exigeait une protection. De son côté, le dissident a répondu qu’il n’avait pas la moindre idée qui en réalité était protégé, il avait en effet l’impression qu’il ne s’agissait pas de lui. Comme le prétend Zhovits, il résulte des paroles mêmes d’Ablyazov qu’il a été attaché à son siège dans la voiture lorsqu’il était transporté au tribunal.
Ce qui a fortement surpris le défenseur des droits de l’homme kazakh, c’était l’ambiance assez relâchée qui régnait dans le tribunal français – les participants sortaient et entraient comme ils voulaient, les avocats pouvaient se consulter mutuellement. Toutes les audiences étaient ouvertes au public, à l’entrée à la cour on n’exigeait même pas de pièces d’identité, on n’effectuait que le contrôle détaillé. Les standards au Kazakhstan sont complètement différents – „c’est le jour et la nuit” – estime l’observateur kazakh. Zhovits a également noté la configuration particulière de la salle – lors de l’audience ont participé quatre juges et deux procureurs, qui étaient assis en cercle. D’un côté se trouvaient les avocats d’Ablyazov et de l’autre les avocats de la partie ukrainienne. Derrière celle-ci étaient assis des représentants de l’ambassade et du parquet russe.
Par ailleurs, Zhovits a mentionné une confusion liée aux représentants de l’Ukraine – lors de la session les avocats d’Ablyazov ont présenté des documents qui ont prouvé, de façon univoque, que les avocats du cabinet Winston&Strawn n’avait pas de procuration pour représenter le pays et que l’enquêteur Melnyk a illégalement émis son accord concernant cette affaire. Après avoir examiné les documents, le tribunal s’est finalement incliné à la demande de la défense d’Ablyazov et il a interdit aux avocats ukrainiens de représenter leur pays. Ce fut la consternation lorsqu’une femme qui se faisait passer pour un consul ukrainien, est intervenue en tant que témoin – alors que, comme l’indique Zhovits, elle ne connaissait pas la langue ukrainienne, par contre elle parlait russe et français. En fin de compte, le tribunal ne l’a pas considérée comme un témoin officiel de l’Ukraine.
Zhovits décrit aussi les participants de l’audience – outre les invités occasionnels et les membres de la famille, les représentants de la Fondation Dialogue Ouvert et le défenseur ukrainien des droits de l’homme entre autres ont déclaré leur soutien à Ablyazov.
Pendant l’audience même, les avocats ont sollicité d’instaurer des moyens d’adoucir la rigueur procédurale, ce que le tribunal a programmé pour le 6 octobre (lorsqu’il a refusé de remettre Ablyazov en liberté sous caution). Ensuite, le tribunal a examiné la demande d’extradition issue de l’Ukraine. En dehors des interventions des avocats, Ablyazov lui-même a également pris la parole, en écartant toutes les accusations. Le dissident a prouvé notamment qu’il n’avait pas commis de délits sur le territoire ukrainien, ce dont il est accusé. Selon Zhovits, l’argumentation du dissident a été très convaincante contrairement à celle du procureur qui visait uniquement à assurer qu’en Ukraine Ablyazov peut compter sur un procès honnête et qu’il n’existe aucun risque de torture. Le juge a demandé à l’accusé pourquoi il se croyait exposé au danger en Ukraine, puisque de nouvelles autorités ont été instaurées dans ce pays. Ablyazov a souligné que le processus de changements a à peine démarré et en s’appuyant sur l’exemple de Poroschenko, qui était ancien ministre dans le gouvernement de Yanukovich, il a argumenté que des personnages provenant de l’ancien régime sont encore au pouvoir.
Par ailleurs, Mark Fejgin a développé une vision plutôt optimiste concernant l’audience. Selon lui, c’est la première fois que les juges ont prêté une oreille attentive à l’argumentation de la défense qui prouve le caractère politique de la poursuite d’Ablyazov. Jusque-là, comme l’affirme l’avocat, tous les arguments étaient rejetés à priori, et cette fois-ci les juges ont écouté avec un grand intérêt les histoires de persécutions du dissident. Fejgin s’est rapporté également à la décision du tribunal concernant le retrait des avocats du cabinet Winston&Strawn et le refus de l’intervention de la consule ukrainienne d’origine française, en attirant l’attention sur le fait que toute la responsabilité repose sur les procureurs. Grâce à cela, le tribunal était finalement prêt à écouter tous les arguments présentés par les avocats d’Ablyazov. De plus, Fejgin prévoit que pour la Russie, cela risque d’être encore plus difficile, car compte tenu de la situation actuelle, dans le cas de l’extradition d’Ablyazov, elle ne peut pas lui assurer la sécurité.
Une nouvelle audience aura lieu le 17 octobre – concernant la demande d’extradition ukrainienne et le 24 octobre concernant la demande d’extradition russe.
Source: article du «Газета новости» [« Journal Novosti »] du 3.10.2014; ablyazov.org
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- Amnesty: Il ne faut pas qu'un dissident kazakh qui risque d'etre torture soit extrade (.png, 0.77 MB)
- Declaration Le Bureau International des Droits de l’Homme et du Respect de la Légalité au Kazakhstan (.pdf, 0.26 MB)