Lettre ouverte de Moukhtar Abliazov à Sergey Duvanov
© mukhtarablyazov.org 16.01.2015

Moukhtar Abliazov s’est tourné dans sa lettre ouverte vers Sergey Duvanov, journaliste kazakh engagé dans la défense des droits de l’homme. Dans sa lettre, le dissident réfute les accusations de détournement des fonds de la banque BTA formulées par les autorités. Il explique également les motifs pour lesquels il a dû fuir le pays et il décrit les méthodes de la traque déclenchée par Astana en Occident contre les militants de l’opposition kazakhe. Comme il l’affirme, le régime a déjà affecté la somme exorbitante d’un milliard de dollars dans sa lutte contre lui.

L’intégrité du contenu de la lettre :

Monsieur,

je vous suis très reconnaissant de votre soutien et de votre appréciation de mon activité politique. Puisque je sais que vous êtes un journaliste honnête et intransigeant, j’aimerais vous présenter ma version concernant l’accusation formulée par Astana sur le fait que « j’aurais transféré illégalement les fonds de la banque BTA ». Je tiens également à éclaircir la raison pour laquelle j’ai dû quitter l’Angleterre et de quelle façon et par qui j’ai été traqué en Occident ainsi que ma famille.

Il n’est pas possible de décrire sur un texte de quelques pages à peine et facile à lire la guerre que Nazarbaïev a déclenchée contre moi. Il semble que l’histoire n’ait jamais connu de persécution politique à ce point absurde et coûteuse. De ce fait, ma lettre se compose de deux parties.

Dans la première partie je me focalise sur la situation autour la banque BTA et les accusations portées contre moi.

Je commencerai par le fait que la situation concernant la banque BTA est complètement différente de celle qu’Astana s’efforce de présenter. En réalité, c’est le gouvernement du Kazakhstan qui s’est accaparé par la force de la banque dont j’étais propriétaire et qui auparavant réalisait tous ses engagements de façon irréprochable. Je tiens en particulier à souligner le fait que dans la période au cours de laquelle je dirigeais la banque, il n’y a eu aucune plainte de la part des créanciers ni des investisseurs ou des clients de la banque. Le problème est apparu après que le gouvernement et le fonds national « Samruk-Kazyna » soient entrés dans la banque. La panique s’est installée suite à la saisie de force de la banque par le gouvernement, les investisseurs ont retiré de la banque 2 milliards de dollars en l’espace d’un mois, et les créanciers ont exigé un remboursement anticipé de 12 milliards de dollars.

Les revendications des créanciers étaient en fait totalement légales. Les accords d’investissement comportaient en effet un point qui donnait aux créanciers le droit d’exiger un remboursement de fonds anticipé dans le cas d’un changement de propriétaire de la banque qui n’avait pas été convenu au préalable avec eux. C’est ce qui s’est passé en effet. Si le gouvernement n’avait pas pris la banque BTA, celle-ci fonctionnerait toujours.
Les événements, qui ont eu lieu la veille de la saisie de la banque en 2009 ainsi que la façon dont Astana a présenté ce fait à la société, prouvent le fait que la banque a été prise de force.

Le jeudi soir (le 29 janvier 2009), la filiale de la banque à Astana (même pas son siège principal à Almaty où se trouvait également l’Agence de Contrôle des Finances ACF) a reçu un fax de l’Agence de Contrôle des Finances (ACF) exigeant de créer dans un délai d’une journée un capital supplémentaire pour un montant de 3 milliards de dollars.
Veuillez considérer ce chiffre sous le prisme du délai exigé – une journée. Aucune banque du monde ne serait pas capable de satisfaire à une telle exigence ! Ce n’est pas par hasard que l’ACF n’a pas adressé ce document au siège principal de la banque, mais à sa filiale. Je ne crois pas qu’ils aient eu honte. Cependant, ils ne pouvaient pas ne pas comprendre que c’était une revendication insensée.

Néanmoins, le lendemain – le vendredi – suite à la demande de l’ACF, les actionnaires ont pris la décision d’augmenter le capital de la banque de 25%. Malgré cela, dès le dimanche, le gouvernement avec à sa tête le premier ministre, Karim Masimov, a émis un décret de nationalisation de la BTA, qu’il a saisie par la force le lundi suivant. En d’autres termes, on n’a laissé aucune chance aux actionnaires de la banque.

A ce moment là, la valeur de la banque BTA, selon les estimations d’experts anglais, était de 12 milliards de dollars (évaluation en fin d’exercice 2008). Moi-même, personnellement, je l’estimais à une valeur légèrement inférieure, mais pas moins que 10 milliards de dollars. Et le fait que la banque représentait une telle valeur était mon mérite et celui de mon équipe, pas celui d’Astana !

En mai 2005, lorsque je suis rentré au Kazakhstan et que j’ai pris la tête du Conseil d’Administration de la Banque BTA, son capital s’élevait à environ 500 millions de dollars. Au début de 2009, le capital de la banque avait atteint 4 milliards de dollars. C’est pendant la période de 3½ ans de ma présidence de la BTA que le capital de la banque s’est accru de 3½ milliards de dollars. Ce chiffre parle de lui-même.

De 2005 à 2007, la banque a gagné un milliard de dollars. Uniquement sur la base des résultats de la fin de 2007, la banque a gagné 537 millions de dollars net. En tant que propriétaire légitime, j’avais le droit de me verser l’intégralité de cette somme sous la forme de dividendes. Cependant, je ne l’ai pas fait et j’ai laissé ce montant dans la banque. Le bénéfice total a été affecté à l’augmentation du capital propre de la BTA. De plus j’ai fait augmenter le capital d’environ 2½ milliards de dollars supplémentaires. De ce fait, au moment de la nationalisation de la banque BTA, son capital était de 4 milliards de dollars. Tout cela est passé dans les mains du régime de Nazarbaïev.

En 2008, nous avons annoncé une nouvelle stratégie de développement de la banque: la BTA devait se transformer en une banque globale et dans les 15 ans à venir, elle devait rejoindre le groupe des banques les plus puissantes du monde. La banque qui est devenue notre consultant pour la réalisation de ce concept, était l’un des leaders mondiaux, la HSBC [Hongkong and Shanghai Banking Cooperation – note du traducteur]. C’était un projet tout à fait réalisable. Déjà en juin 2008, les experts internationaux ont reconnu la BTA comme l’une des banques qui se développent le plus rapidement dans le monde. A ce moment-là nous étions entrés dans le groupe des banques privées les plus importantes au sein de la Communauté des Etats indépendants (CEI) et nous avions été inscrits sur la liste des 173 banques chefs de file dans le monde. En ce qui concerne les résultats, il n’y a que trois banques nationales en Russie – la Sberbank, la WTB et la Gazprombank, qui nous dépassaient. La BTA a reçu de nombreux prix internationaux.

J’estimais que l’activité bancaire était la sphère principale de mes centres d’intérêts et les revenus importants que j’ai perçus sur d’autres activités économiques, je les ai investis dans la banque BTA. En s’emparant de la banque, Nazarbaiev a détruit tous les plans. Et à présent, lui et son entourage déclarent publiquement que c’est moi qui « ai volé l’argent ». J’étais convaincu de pouvoir réaliser ces projets concernant le développement de la BTA, mais on m’a volé et la banque, et l’argent et ma réputation.

En dehors de la banque, je possédais au Kazakhstan de nombreuses autres sociétés qui ont été accaparées et détruites. Leur valeur aussi était impressionnante.

Maintenant, je passe aux accusations formulées par les autorités, auxquelles de nombreuses personnes croient. Rien d’étonnant. Presque tous les médias dans ce pays sont contrôlés par les autorités, et la propagande s’imprime dans l’esprit des citoyens en leur suggérant les idées qui sont considérées comme nécessaires. La lutte contre moi a englouti des sommes exorbitantes. Rien que dans les actions publiques intentées devant les tribunaux britanniques et dans la mobilisation de lobbyistes et de détectives dans différents pays, Nazarbaïev a dépensé plus d’un milliard de dollars. Même Tony Blair, ancien premier ministre de la Grande Bretagne, a été impliqué dans la guerre contre moi. Que les arguments des autorités kazakhes doivent être faibles, puisqu’elles ont recours à des forces aussi importantes pour me poursuivre. Je vous laisse évaluer, Monsieur, le bilan général des pertes, d’autant plus que pendant toute cette période, la banque BTA aurait pu devenir un vrai symbole du développement économique de notre pays.

Par quels moyens les autorités kazakhes justifient les accusations formulées contre moi, compte tenu de leur absurdité évidente ?

Prenons un premier exemple.

La banque contrôlée et dirigée par Nazarbaïev m’a accusé du fait que la BTA a octroyé des crédits aux sociétés dans lesquelles j’avais un intérêt juridique, c’est-à-dire comme si j’étais le propriétaire de ces sociétés. La banque nationalisée estime que, conformément aux règles en vigueur au Kazakhstan, ces transactions auraient dû être confirmées par le conseil d’administration de la banque dont j’étais le président. Faute d’un tel accord formel avec le conseil d’administration, cela signifie que les crédits ont été accordés illégalement, ce qui constitue une escroquerie, ainsi la banque (prise par le gouvernement) en a conclu que c’est moi qui suis obligé personnellement de rembourser tout le montant des crédits accordés, y compris les intérêts et les pénalités.

Il est surprenant que le litige en Angleterre ait dû se dérouler sur la base de la législation kazakhe. Mais selon celle-ci, on n’a trouvé aucune irrégularité. Pour confirmer ses arguments, la banque n’a pu présenter aucun document de création, prouvant que j’étais le propriétaire de ces sociétés. C’était une simple panoplie d’accusations sans fondement, de suppositions, d’hypothèses et de spéculations.

De telles « accusations » n’étaient utiles que pour entamer une série de procès civils devant le tribunal de Londres et pour m’achever financièrement. Toutes les ressources du pays ont été utilisées dans la lutte contre moi. Toutes ces actions en justice n’avaient pour but que d’occuper tout mon temps, afin que je ne puisse pas l’utiliser pour la lutte contre le régime de Nazarbaïev, afin que je m’embourbe dans des procès judiciaires en me défendant contre des accusations absurdes.

Deuxième exemple.

Le procès en Angleterre au cours duquel le tribunal devait examiner les accusations émises par la BTA contre moi, ne s’est pas déroulé. Toutes ces années ont été marquées par des litiges entre la BTA (accaparée par Nazarbaïev) et moi, concernant mes actifs gelés par le tribunal britannique. Ces actifs ont été identifiés, on a également tranché la question de savoir s’il y avait d’autres actifs et si tous les actifs ont été gelés, comment je les gérais, de quelle façon je transmets mes ordres concernant cette gestion aux cadres dirigeants dans quel système je donnais à mon cadre supérieur des dispositions relatives à leur gestion et si je n’enfreignais pas les décisions du juge concernant le gel de ces actifs. Les litiges procéduraux sur cette question ont duré trois ans, mais les questions de fond n’ont pas été abordées.

Suite à de nombreuses manigances juridiques, le tribunal britannique ne m’a pas autorisé à intervenir lors du procès principal pendant lequel les prétentions de la BTA devaient être examinées quant au fond. C’était la conséquence des pressions du juge qui insistait pour que je reconnaisse son opinion, suggérant que je lui aurais caché certaines informations concernant mes possessions; il tenait également à ce que je revienne en Grande Bretagne. Le juge a décidé que j’étais coupable d’outrage à la cour et il m’a condamné à 22 mois de prison. Je n’ai pas accepté cette décision. J’ai été privé du droit à la défense devant la cour, et en 2012 le tribunal a prononcé un jugement défavorable pour moi sans que le fond des accusations portées contre moi soit examiné.

J’aimerais faire remarquer que si la banque avait intenté une action en réparation pour un montant de 100 milliards de dollars, le tribunal m’aurait automatiquement condamné à payer aussi ces 100 milliards, alors que l’ensemble des crédits bancaires s’élevait à environ 19 milliards de dollars. Mais le tribunal de Londres n’a examiné ni l’essentiel des prétentions, ni leur vraisemblance, ni leur crédibilité. La décision statuant que j’avais perdu le procès a été prononcée pendant mon absence de l’Angleterre, que j’ai dû quitter suite à des menaces sérieuses adressées personnellement à moi et à ma famille.

A présent, j’ai déposé devant le Tribunal de Strasbourg une plainte concernant la décision de me priver de mon droit à la défense.

Troisième exemple.

La banque déclare en Grande Bretagne ses demandes de dédommagement pour un montant de 6 milliards de dollars, alors que dans la presse européenne le régime divulguait des informations sur 15-16 milliards de dollars. En Russie, sous l’ordre du Kazakhstan, le canal NTV a émis un reportage suggérant que j’avais détourné 100 milliards de dollars. Le plus important dans cette propagande mensongère, c’est d’établir la croyance qu’il s’agit de dizaines de milliards de dollars. Comme Goebbles le répétait, plus le mensonge est effrayant, mieux il passe.

Quatrième exemple.

Il est intéressant que sur le montant de 4 milliards de dollars accordé à la banque par décision du tribunal, uniquement grâce au fait que j’étais privé de la possibilité d’intervenir lors du procès judiciaire, environ 2 milliards sont affectés à des projets de la banque financés au Kazakhstan. Toutes les garanties sous la forme de centaines d’appartements prêts à louer, d’immobiliers etc. qui constituaient la base pour l’octroi de crédits, sont en possession de la banque. Dans les années 2009-2010, la banque pouvait soit vendre ces bâtiments, soit les développer en gagnant ainsi un bénéfice supérieur au montant du crédit octroyé. Cependant, la banque (ayant recours à un groupe d’agents des services spéciaux) a intentionnellement paralysé depuis 2009 l’activité de ces sociétés, en détruisant leurs projets. Suite à ces agissements, de nombreux jeunes entrepreneurs ont souffert et ils ont été emprisonnés. Par ailleurs, certains crédits, estimés à des milliards de tenga, ont été remboursés, mais malgré cela, les directeurs ont été accusés de participation à un groupe criminel organisé, suite à quoi ils ont été emprisonnés.

A ces crédits, accordés au Kazakhstan à de multiples sociétés, ont été appliquées des sanctions sous la forme d’intérêts ou d’autres types de pénalités contractuelles. Les garanties se trouvaient en possession de la banque, et moi, comme il s’avère maintenant, je devrais encore payer à la banque tous ces crédits y compris les pénalités imposées par la banque. La BTA a intenté en Grande Bretagne une action en réparation pour un montant de 2 milliards de dollars, en dissimulant cependant que c’est elle-même qui dispose en réalité de toutes les garanties et qu’une partie des crédits a été remboursée. En d’autres termes, la banque exige qu’en dehors de ces garanties, je paie 2 milliards de dollars supplémentaires.

Je répète encore une fois qu’en Angleterre, personne ne s’est préoccupé des détails ni n’a examiné le fond des accusations contre moi. Tout simplement le tribunal ne s’est pas intéressé à la nature même des accusations. Le tribunal a statué par contumace que j’étais la partie perdante dans le procès, en m’interdisant d’intervenir lors de l’audience. Cela n’empêche pas les autorités kazakhes d’informer partout que le tribunal britannique a prouvé ma culpabilité. Ce n’est pas vrai. J’ai maintes fois démenti ces déclarations, mais il est difficile de lutter contre la propagande de l’Etat, dans la situation où les autorités kazakhes contrôlent tous les médias et la télévision et qu’elles dépensent des sommes gigantesques à des fins de propagande à l’étranger, en engagent un nombre énorme de lobbyistes partout dans le monde.

Bien évidemment, il y a eu des projets auxquels j’ai pris part indirectement, en intervenant en tant qu’actionnaire. Cependant je n’étais pas actionnaire en termes de droit kazakh, qui ne reconnaît la propriété qu’après l’enregistrement juridique de l’objet de la transaction. Je n’intervenais pas dans ces projets en tant que personne enregistrée légalement conformément aux dispositions kazakhes, de ce fait je n’étais pas obligé de demander des autorisations quelconques auprès du conseil d’administration de la banque BTA. Si cela avait été nécessaire à la lumière de la loi, les preneurs de crédit n’auraient-t-ils pas reçu les mêmes autorisations, compte tenu du fait que les projets financés étaient très avantageux du point de vue économique et rationnel ?

Par exemple, la construction de la tour « Eurasie » à Moscou. Hauteur du bâtiment – 300 mètres, 75 étages. C’est la plus haute construction d’acier en Europe. En 2006, ce projet s’est trouvé sur la liste des 12 meilleurs projets au monde, en se plaçant sur la sixième position ! J’avais 50% de parts dans cet investissement. Du point de vue officiel, sous l’angle juridique les parts appartenaient à mon associé, par crainte permanente que Nazarbaïev s’accapare de ma propriété.

La qualité de ce projet a été appréciée par la banque russe Sberbank qui a ouvert une ligne de crédit pour la construction de la tour pour un montant global de 500 millions de dollars. Jusqu’à 2009, 170 millions de dollars ont été dépensés sur les fonds affectés à la construction. De ce fait, le crédit dans la seule banque BTA s’élevait à 100 millions de dollars. La Sberbank russe, qui s’est chargée de financer la construction complète, possédait toutes les garanties du crédit.

Il est compréhensible qu’après la finalisation de la construction (planifiée pour 2010), la BTA aurait facilement remboursé tout le montant investi. Avant le début de 2009, on a réussi à construire 45 des 75 étages prévus, malgré la crise qui s’est déclenchée en menaçant les projets de construction partout dans le monde. C’est à ce moment-là qu’à Moscou on a abandonné la réalisation de grands projets, cependant la crise n’a pas affecté le projet « Eurasie » qui s’est poursuivi. Les experts ont estimé la valeur du marché de ce projet après la finalisation de la construction à plus de 2 milliards de dollars. Un projet similaire à New York coûte 3 milliards de dollars.

Nazarbaïev a ordonné à la banque BTA de détruire mes intérêts, sans égard aux pertes de la banque. Suite à des pressions colossales exercées sur la Sberbank russe, celle-ci a été forcée de stopper le financement. Sous la pression du Kazakhstan, la Sberbank russe a été obligée de rompre ses engagements. Elle a suspendu le financement pour une période de presque 2 ans, et par la suite elle m’a pris tout le projet en le vendant à des compagnies russes dans le cadre de la procédure de faillite. La BTA a convenu avec les nouveaux propriétaires les conditions du remboursement du crédit contracté pour la construction de la tour « Eurasie ». Cependant, en Angleterre le représentant de la banque n’a pas transmis cette information au tribunal, et on a exigé de ma part le remboursement du crédit.

En dehors de cela, j’ai investi dans ledit projet plus de 100 millions de dollars de mes propres fonds, qui ont été utilisés pour racheter à d’autres actionnaires 50% des parts. Cette somme a elle aussi disparu suite à la confiscation du bien, conduite par la banque Sberbank russe.

Nazarbaïev ne s’intéresse pas aux coûts ni aux pertes de la banque BTA. Lui et son entourage réalisent leur mission politique qui consiste à me détruire en tant qu’adversaire d’Ak Orda. Ainsi, ils cherchent principalement à anéantir la seule possibilité de soutenir l’opposition politique au Kazakhstan. De ce fait, le Kazakhstan a déjà dépensé plus d’un milliard de dollars et il est prêt à dépenser n’importe quelle somme pourvu qu’il atteigne son objectif, à savoir de me détruire.

J’ai refusé à Nazarbaïev de lui transmettre le contrôle de la banque BTA, j’ai appuyé l’opposition et la société civique et c’est pour cela que j’ai été soumis à des persécutions d’une telle envergure. On n’a pas seulement pillé mes actifs bancaires, mais aussi tout mon business dans différents pays.

Dans les années 2005-2008, à l’époque où je travaillais dans la banque BTA, Nazarbaïev a cherché plusieurs moyens de s’emparer de mon business. Que n’a t il pas inventé ? Par exemple, il a insisté pour que je légalise des fonds importants au Kazakhstan. Il m’a expliqué qu’un décret spécial avait été instauré pour autoriser la légalisation de capital, que je devais appuyer. Autrement, il aurait pu s’avérer que seul Nazarbaïev lui-même, les membres de sa famille et de son entourage avaient le droit de légaliser leur argent. Cela ne lui plaisait pas.

J’ai pensé que si je satisfaisais à sa demande et si j’agissais conformément au décret autorisant la légalisation de capitaux, Nazarbaïev le tournerait contre moi. Le décret statuait que si les forces de l’ordre décident que le capital est illégal, sa légalisation n’est pas légitime. C’est-à-dire que le plan de Nazarbaïev visait à ce que je légalise les fonds et par la suite les enquêteurs m’accuseraient de provenance illégale du capital et ils m’enverraient en prison.

Pour cette raison, en 2007 j’ai officiellement déclaré mon revenu de 200 millions de dollars et j’ai payé au budget de l’Etat 20 millions de dollars de taxe sur le revenu. Je n’ai pas utilisé la loi sur la légalisation, j’ai ouvertement déclaré mes revenus et j’ai payé les impôts. En conséquence, comme je le soupçonnais, les enquêteurs kazakhs ont essayé de m’accuser d’infractions. Cependant, ils ne s’attendaient pas à ce que je ne rende pas mes capitaux légaux sur la base de la loi criminelle de Nazarbaïev, mais que je les déclare comme le bénéfice d’une activité économique que j’ai menée.

Nazarbaïev a inventé de nombreuses raisons de m’emprisonner. En fin de compte, lorsque toutes les mesures se sont avérées défaillantes, il a pris la banque.

J’ai surestimé l’intelligence de Nazarbaïev car j’ai ignoré le fait qu’en 2009, il avait déjà perdu la capacité d’évaluer le risque, et s’appuyait complètement sur son entourage, dont le rôle se limitait à lui faire des compliments et à le tromper. L’absence de concurrence politique et le pouvoir absolu l’ont totalement privé de raison. En essayant de contrôler la banque BTA, il a coupé l’accès de toutes les autres banques du pays aux marchés mondiaux. La réputation du système bancaire kazakh a été complètement ruinée, alors qu’il était reconnu comme le meilleur au sein des pays de la CEI. Et pourtant c’était le cas jusqu’à 2009. En 2009, c’est la Russie qui a réussi à prendre cette position. Ce n’est pas uniquement la Russie, mais aussi l’Ukraine, pourtant plus faible du point de vue économique ! Tout cela s’est produit à cause de l’avidité pathologique et la volonté de contrôler tout et tout le monde par Nazarbaïev.

Tous ces facteurs étaient évidents. Lors de notre rencontre personnelle, je lui ai parlé de tous les risques, j’ai également rédigé des rapports analytiques confidentiels que je lui ai adressés. Nazarbaïev ne s’en est rendu compte qu’en mars 2009, lorsque les prix du pétrole ont baissés jusqu’à 45 dollars pour un baril. A ce moment-là la panique l’a gagné et il m’a supplié de revenir. Il a expliqué, par l’intermédiaire de ses négociateurs, qu’il craignait que la crise économique provoque une crise politique similaire à celle en Ukraine.
Cependant, les prix du pétrole ont vite retrouvé le niveau de 80 dollars pour un baril et Nazarbaïev a de nouveau arrêté d’écouter, en estimant que grâce au pétrole, le pays disposera de beaucoup d’argent, et qu’il n’est pas nécessaire de faire des économies dans la lutte contre son opposant politique.

J’ai subi d’énormes pertes provoquées par Nazarbaïev et son entourage, qui ont utilisé l’influence politique de la Russie, de l’Ukraine et d’autres pays. La banque BTA, contrôlée par le gouvernement, ne comptent pas ses coûts – pour Astana c’est sans importance.
Par conséquent, ceux qui affirment que « j’ai détourné les fonds de la banque » et ceux qui estiment que j’ai soi-disant récupéré « mon bien » se trompent. C’est justement le régime de Nazarbaïev qui m’a infligé des pertes énormes et irréversibles.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments respectueux,
Moukhtar Abliazov

Source: respublika-kaz.info

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