Lettre d’Abliazov à Duvanov. Partie II
© mukhtarablyazov.org 03.02.2015

En décembre 2014, Moukhtar Abliazov s’est tourné dans une lettre ouverte vers Sergey Duvanov, journaliste kazakh engagé dans la défense des droits de l’homme. Dans la première partie de sa lettre, Abliazov a rejeté les accusations formulées contre lui par les autorités et il a révélé les détails de la traque contre les membres de l’opposition kazakhe, déclenchée par Ak Orda en Occident. Dans la deuxième partie il explique entre autres les raisons pour lesquelles il a dû fuir la Grande Bretagne sans se soumettre au verdict du tribunal britannique.

Abliazov explique également les raisons de sa méfiance vis-à-vis de l’infaillibilité des tribunaux occidentaux devant lesquels son affaire s’est déroulée. Il prouve que même la justice occidentale peut succomber sous une forte pression politique. Il montre de quelle façon les lobbyistes engagés par les autorités kazakhes ont influencé le processus de lui accorder le droit d’asile politique, en retardant la décision d’un an. Il décrit aussi la tentative d’assassinat échouée et les menaces adressées à lui.

Lettre ouverte de Mukhtar ABLYAZOV à Sergueï DOUVANOV – II

Le 5 décembre 2014
Sergueï,

Dans la seconde partie de ma lettre ouverte je tiens à apporter la réponse à la question que plusieurs gens se posent : à savoir, pourquoi j’ai quitté le Royaume-Uni et ne me suis pas soumis à la décision du juge britannique.

Nos compatriotes croient fermement que les tribunaux occidentaux sont infaillibles, impartiaux et rendent toujours des décisions justes. J’en étais moi-même convaincu auparavant. Les tribunaux des pays occidentaux sont incontestablement plus indépendants que les nôtres et rendent des décisions de meilleure qualité, mais cela ne signifie pas que l’on peut parler de leur infaillibilité. Autrement, il aurait fallu admettre que dans les pays occidentaux tout sans exception est parfait et infaillible.

Alors, en suivant cette logique, les avions construits en Occident ne doivent pas s’écraser au sol, et leurs voitures – tomber en panne, ni se briser. Mais dans la vraie vie c’est un peu différent. Nous pouvons dire que quasiment tout en Occident est de meilleure qualité que chez nous. Cependant, meilleur ne signifie pas parfait, comme beaucoup de gens le pensent.

Malheureusement, mon cas est absolument hors norme pour la perception d’un citoyen occidental. Il est unique quant à l’ampleur de la persécution organisée à travers le monde par un État (et même plusieurs) contre un homme, avec l’utilisation d’une grande variété d’outils à la disposition de n’importe quelle machine d’État, y compris de nature criminelle.

Toutes les ressources sont mobilisées : utilisation des accords et contacts internationaux, lobbying par des personnalités politiques de haut niveau, engagement des juristes pour les poursuites civiles et pénales, ainsi que des consultants pour la discréditation à grande échelle, achat de la loyauté à coup de contrats, et même la participation à l’Union Douanière, et bien plus encore.

Je constate avec mon affaire que le système judiciaire occidental n’est pas en mesure de faire face à la pression politique de la part du régime Nazarbaïev. Je vois qu’en statuant sur des différends relatifs à de graves conflits dans les pays de la CEI, les juges et l’ensemble du système sont souvent impuissants parce qu’ils ne comprennent pas la nature des processus, des mécanismes et des méthodes de travail du gouvernement Nazarbaïev qui ont lieu dans notre pays.

Par exemple, lorsque je déclare dans le tribunal anglais que ma nomination sur le poste du Président du Conseil d’administration de la banque BTA a été convenue avec le Président Nazarbaïev, le juge ne le comprend pas. Selon lui, ce n’est pas possible, car Nazarbaïev ne fait pas partie des actionnaires de la banque et n’est pas membre du Conseil d’administration, puisque cette banque est privée. Alors, de quelle manière Nazarbaïev aurait-il pu intervenir dans une telle question ? Ceci va au-delà de la compréhension des juges anglais.

Ou alors quand je déclare que la banque BTA fonctionne sur ordre de Nazarbaïev lorsqu’elle porte plainte contre moi devant le tribunal britannique, que la BTA est un outil de persécution politique utilisé par le régime. Le juge ne peut pas y croire, il a besoin de preuves formelles, des instructions écrites émanant de Nazarbaïev. Pour le juge, BTA Bank est un établissement commercial indépendant qui ne subit pas d’influence de la part du gouvernement et ne dépend pas du régime dans la prise de ses décisions. Si vous le dites à quelqu’un au Kazakhstan, cela fera rire les gens.

Quelles justes décisions peut-on alors attendre de la justice anglaise ? Pour examiner le fond de l’affaire, le tribunal a dû se baser sur le droit kazakh ; mais comment un juge peut-il se prononcer en vertu de la législation kazakhe, s’il ne comprend pas la réalité de la vie au Kazakhstan et ignore comment s’appliquent nos lois ? Cependant, c’est bien sur la base de telles notions que le juge britannique se prononce.

Évidemment, un rôle particulier a été joué par des professionnels : avocats et lobbyistes. Pour gagner de l’argent, ils sont prêts à transformer le noir en blanc. Surtout quand on considère que le régime kazakh est soutenu par des pointures politiques comme Tony Blair et Jack Straw.

Et il faut dire qu’ils sont inflexibles dans leur travail. A titre d’exemple, dernièrement j’ai découvert ce qui avait causé le retard dans l’examen de mon dossier de demande l’asile politique en Grande-Bretagne. Ma demande aurait dû être acceptée en 2010, mais en réalité ce n’est arrivé qu’en juillet 2011. Désormais je sais que le report de la date a été obtenu par les lobbyistes de Nazarbaïev. Pour quelle raison en avaient-ils besoin ? Le fait est que de cette manière le juge a pu facilement se prononcer sur l’absence d’aspect politique dans mon affaire. C’est ce qu’il a fait. Si j’avais obtenu la protection à titre d’asile politique au Royaume-Uni avant la prise d’une telle décision par le juge, ce fait n’aurait pas pu être ignoré.

Les lobbyistes ont atteint leur objectif : toutes les décisions importantes ont été prises par le tribunal avant mon obtention du statut de réfugié politique. Il s’agît ici des décisions dans l’affaire civile pour demandes formulées contre moi par la banque BTA. Ce procès promettait d’être long et garantissait la perte pour les autorités kazakhes. Toutefois, ce n’était pas tant cette défaite qu’inquiétait Astana (on a déjà considéré la banque comme perdue en 2009) mais plutôt la crainte de voir dévoilés lors des audiences les renseignements sur de multiples infractions économiques commises par les représentants légaux de Nazarbaïev.

Dès que j’ai obtenu le statut de réfugié politique, le Kazakhstan a immédiatement commencé une campagne secrète et illégale afin de me faire retirer ce statut. Toutes les ressources ont été engagées. La pression était exercée dans toutes les directions.

Il est important de noter que, selon la Convention de Genève, le pays qui fournit l’asile (dans mon cas, le Royaume-Uni), ne doit jamais s’engager dans des discussions au sujet de cet asile avec l’État persécuteur (dans mon cas, avec le Kazakhstan). Cependant, nous avons obtenu des preuves solides qu’il y avait un important échange d’informations entre le Ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni et les représentants du Kazakhstan, ainsi que les juristes et les lobbyistes travaillant pour le Kazakhstan. Nous avons demandé au Ministère de l’Intérieur de communiquer les documents échangés entre les parties (ce qui doit être fait selon la loi), mais à ce jour le Ministère de l’Intérieur refuse de fournir ces informations. De toute évidence, ils ont quelque chose à cacher.

Vous souvenez-vous, Sergueï, quelles forces ont été mobilisées afin que l’affaire découlant de l’enquête sur « Kazakhgate » ne soit pas jugée aux Etats-Unis ? Malgré des preuves documentés, les avocats ont été en mesure de faire stopper l’instruction et Nazarbaïev avec son entourage s’en sont sortis indemnes. Maintenant, j’ai pu voir par moi-même comment cela s’est réalisé au Royaume-Uni.

Dans l’affaire de « Kazakhgate » les juristes américains de Nazarbaïev ont réussi à réduire l’enquête sur les dessous-de-table reçus pour les principaux gisements de pétrole, à la question de savoir si James Giffen était un agent américain de la CIA, et après l’avoir démontré, à clôturer tout simplement l’affaire. Dans l’affaire de « BTA Bank » les juristes britanniques ont été en mesure de réduire l’enquête sur les circonstances de la mainmise de la banque à la question de mon respect envers le juge britannique.

A première vue, cela semble absurde et peut paraître comme la casuistique juridique. Mais en réalité la question du respect envers le juge fait l’objet d’une enquête quasi-criminelle dans la procédure judiciaire où les avocats et les lobbyistes britanniques en échange de centaines de millions de dollars ont réussi à obtenir le résultat souhaité.

Cette tactique est une pratique juridique courante. Le juge rend souvent de telles décisions. Regardez n’importe quel film où le juge envoie des parties au procès derrière les barreaux pour « outrage » mais pour une courte période. Dans mon cas, tout a été différent. On m’a condamné à 22 mois (le maximum possible étant de 24 mois).

Toute peine d’emprisonnement, même pour un court laps de temps, représentait pour moi une menace non seulement de l’évincement de l’affaire civile mais aussi de l’élimination physique. Je peux le déclarer avec certitude. Même en liberté, vivant en Angleterre, j’ai été constamment sous pression et la surveillance s’effectuait avec l’utilisation des moyens les plus modernes. Voici un exemple représentatif de ce mode de fonctionnement : à plusieurs reprises un hélicoptère s’approchait des fenêtres de mon bureau dans le centre d’affaires au 36ème étage pour contrôler si j’étais dans mon bureau.

En mai 2010 j’ai été victime d’un attentat à Londres. Une voiture a tenté de pousser mon véhicule sur la voie opposée. Ce qui m’a sauvé c’était le fait que je me déplaçais dans une voiture blindée. Elle était trop lourde et donc plus stable. L’agresseur a broyé sa voiture et s’est enfuit. La police n’a trouvé personne.

En janvier 2011, la police britannique m’a mis en garde contre la menace d’assassinat ou d’enlèvement. Les agents des forces de l’ordre se sont rendus chez moi tard dans la nuit et avaient l’air très alarmés. Plus tard, lors de la visite des personnes venues de Tchétchénie (de la part de Ramzan Kadyrov) qui voulaient me convaincre qu’ils n’étaient pas les exécuteurs de l’ordre d’assassinat, je me suis rendu compte que l’alerte de la police avait de sérieux motifs. Il s’est avéré que les Tchétchènes avaient un contrat sur ma tête de la part des gens de Nazarbaïev. J’en ai discuté par téléphone à deux reprises avec le président de la Tchétchénie Ramzan Kadyrov.

La police londonienne a admis avec franchise ne pas être en mesure de me protéger, ni ma famille. Les policiers m’ont simplement conseillé de les appeler en cas de danger mais ont averti que je ne devrais pas avoir d’armes. Je ne pouvais pas non plus embaucher des gardes du corps armés, car c’est proscrit au Royaume-Uni.

Je comprenais que les autorités britanniques ne pouvaient pas me protéger contre les actes criminels des mercenaires du Kazakhstan. Litvinenko a été empoisonné au polonium radioactif en plein centre de Londres ! Et qu’est-ce que Londres a pu faire même après avoir réussi à prouver que c’était un ordre venant de la Russie ?

Je ne parle même pas de la fois où des personnes du Kazakhstan m’ont averti d’une attaque  supposée sachant que Nazarbaïev travaillait en étroite collaboration avec des hommes d’affaires d’Albanie. Puis mes gardes ont pourchassé les Albanais qui surveillaient la maison où j’habitais. L’avertissement venu du Kazakhstan s’est étonnamment vite confirmé.

Ma famille était sous surveillance en Lettonie, Suisse, Pologne, Italie. Ils étaient photographiés, suivis par des voitures surune distance de 500 km ! Mais jamais le juge britannique n’a dit que c’était illégal, bien que tous les faits lui aient été démontrés.

Il est frappant de constater que dans les conditions où la police de Londres a déclaré ne pas pouvoir assurer ma sécurité personnelle, ni celle de ma famille, le juge a continué à insister pour que je rentre au Royaume-Uni.

La gravité des intentions du Kazakhstan s’est confirmée par l’enlèvement en Italie de ma femme Alma et de notre fille de six ans. Qui peut alors affirmer que je n’aurais pas dû quitter l’Angleterre ? Toutes les actions suivantes du Kazakhstan n’ont fait que confirmer que si je n’avais pas quitté l’Angleterre en 2012, les conséquences auraient été bien pires.

Le juge anglais a exigé que je révèle les noms de tous mes partenaires et mes clients, même s’il était évident que cela provoquerait leur poursuite financée par les autorités du Kazakhstan. C’est ce qui se passe désormais avec certains de mes juristes qui ne font que me fournir leur conseil juridique.

Vous pouvez demander, Sergueï, pourquoi le juge britannique l’exigeait. Puisque sans entrer dans la nature même du conflit, il a jugé cette affaire comme un simple contentieux de nature commerciale où je n’aurais pas voulu divulguer les informations.

Je résiste à toute une machine d’état du Kazakhstan qui ne peut pas assurer une vie normale à ses citoyens mais est capable de dépenser des centaines de millions de dollars pour poursuivre ses opposants politiques. En fait, nous avons affaire à un gang d’escrocs et des bandits qui s’est accaparée du pouvoir de l’état et le détient depuis plus de deux décennies.

Mais les avocats britanniques de l’Akorda présentaient l’affaire sous un angle complètement différent. Ils déclaraient que la plainte émanait de la banque commerciale que j’aurais soi-disant mal gérée mais que le régime de Nazarbaïev n’y était pas lié. « Seulement les affaires ».

Est-ce que le juge lui-même croyait qu’il s’agissait seulement des affaires ? C’est une question très importante qui joue un rôle primordial dans mon affaire. Le système judiciaire de la Grande-Bretagne n’est pas clôturé dans une hiérarchie administrative sous vide d’air. L’opinion publique y joue un rôle énorme. Les journaux, les revues, la télévision – tout ceci reflète la palette des opinions publiques et les tribunaux ne peuvent pas les ignorer.

Cependant, dans mon cas, il n’y avait pas de palette d’opinions. Elle a été remplacée par une plateforme d’information créée par les efforts des lobbyistes d’Astana à Londres. Conscients que la société britannique s’imaginait mal la réalité du Kazakhstan, ils l’ont utilisé au maximum.

Mon affirmation selon laquelle en Angleterre les lobbyistes ont joué un rôle clé contre moi est facilement étayée par les faits. Par exemple, la première et la plus importante ordonnance de geler tous les actifs auxquels je pouvais avoir une relation même indirecte, et même ceux dont je n’étais pas le propriétaire légal, a été rendue par le juge William Blair, le frère de l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair.

C’était à la fin d’août de 2009. J’habitais en Angleterre depuis plus de six mois et j’ai intenté une action devant la juridiction de commerce contre le gouvernement du Kazakhstan pour la nationalisation illégale de la banque BTA. J’ai donné un grand nombre d’interviews aux médias anglais en déclarant que Nazarbaïev s’était accaparé de ma banque et que ces actions cachaient des motifs politiques. Et voilà qu’une ordonnance secrète de geler les fonds est rendue.

Mais ce n’est pas tout ce qu’il y a d’important : le juge Blair a statué sans entendre l’autre partie. En outre, le juge a rendu une ordonnance disant que nous, les défendeurs, devions remettre nos passeports. Sans même nous avoir écoutés, on nous a reconnuscomme contrevenants. Si le juge était autre que Blair, on aurait pu considérer que le juge n’a pas compris et a rendu une décision hâtive. Mais c’était Blair qui savait quel genre de pays est le Kazakhstan et qui est Nazarbaïev.

Ou alors la manière dont étaient rendues les décisions sur les actifs : le juge a statué que je les ai « cachés » et ainsi ai fait outrage à la cour. Le juge ne disposait d’aucun document prouvant que j’étais le propriétaire des actifs qu’il a reconnus comme m’appartenant et qu’il a gelés. Ils appartenaient légalement à d’autres personnes. Ainsi, l’on m’a attribué, par exemple, la maison en Angleterre de l’homme d’affaires connu Nourlan Smagoulov. Smagoulov a apporté devant la cour toutes les preuves démontrant que ce bien immobilier lui appartenait, y compris les preuves de paiement, mais pour autant que je sache, cette maison où habite sa famille est toujours saisie comme étant ma propriété.

On peut apporter des dizaines d’exemples similaires. Par exemple, le juge anglais a rendu une ordonnance par laquelle on m’obligeait à dévoiler tout sur mes actifs à la cour, ainsi qu’aux avocats anglais de la BTA. Ces avocats n’étaient pas sensés transmettre ces informations à leur client, BTA Bank du Kazakhstan. J’ai proposé de donner les informations seulement au juge anglais, craignant la persécution contre les gens qui ont travaillé dans les entreprises m’appartenant ou qui ont eu des affaires avec elles. Et j’avais raison d’être inquiet. Bien sûr, les avocats de la banque, comme je le disais à la cour, ont transféré toutes les informations à la BTA et les gens ont commencé à être poursuivis avec l’utilisation de toute la puissance du système de forces de l’ordre du Kazakhstan (ainsi que celui de la Russie et de l’Ukraine).

Pour obtenir des avocats britanniques le transfert formel des informations à leur client BTA Bank et, par conséquent, au régime kazakh, des méthodes primitives ont été utilisées. Sur Internet ou dans un journal inconnu quelque part au Belarus et au Kirghizistan on « organise » un article fait à la demande qui décrit telle ou telle de mes entreprises, dévoile certains noms de famille, etc. Puis les avocats de la banque se rendent devant le juge en disant : «Regardez, Monsieur le juge, nous sommes tenus de tout cacher de notre client BTA Bank, alors que cette information a déjà été rendue publique et se trouve déjà sur Internet au Belarus et au Kirghizistan ». Et le juge consent alors à la divulgation de l’information, des gens sont convoqués pour être interrogés et emprisonnés, en fait, pour avoir travaillé avec moi.

Sinon, comment a-t-on interdit en Angleterre la chaîne satellite « K + » qui avait une licence anglaise pour la rediffusion internationale ? Non, sa licence en Angleterre n’a pas été retirée. Regardez à quel point les actions menées par les autorités kazakhes et le tribunal anglais ont été coordonnées.

En décembre 2012, les autorités kazakhes ont interdit les journaux indépendants d’opposition « Respoublika », « Vzgliad », le portail d’actualités « Stan TV », le canal « K + » et les sites Web afférents pour avoir prétendument fait de la « propagande extrémiste », mais en fait pour avoir assuré une couverture journalistique impartiale de la tragédie à Janaozen et Chetpé.

Le 25 janvier 2013 le juge anglais rend une décision tenue secrète de saisie de « K + » et ses comptes, ainsi que de saisie des sociétés qui détiennent les noms de domaine « Kplus-tv.net », « stan.tv » et « respublika-kz.com », sur la base de la déclaration de la banque BTA selon laquelle elles appartiennent au groupe d’Ablyazov. L’ordonnance secrète du juge anglais a été promulguée en Angleterre seulement le 22 février 2013, le même jour où le tribunal kazakh a rendu la décision de l’interdiction à « K + » de diffuser sur le territoire du Kazakhstan et de la fermeture des autres médias d’opposition.

Dans ce cas, leKazakhstan a utilisé non seulement BTA Bank, mais également la justice anglaise (comme un outil pour établir un contrôle et neutraliser les sociétés propriétaires de la chaîne d’opposition « K + ») afin d’opprimer l’opposition au Kazakhstan.

En fait, par ses décisions, le juge anglais a soutenu le régime criminel du Kazakhstan. Bien sûr, il dira à nouveau qu’il ne voit pas de politique dans mon affaire, qu’il a été saisi par la banque et qu’il a rendu une décision non-politique, mais pour X raison, une décision secrète.

En ce qui concerne ces différends avec le Kazakhstan, ne connaissant pas ce pays, ses lois et ses réalités, le juge en Angleterre n’aurait pas dû accepter la saisine de la part d’une banque kazakhe ou alors il aurait dû tout comprendre et explorer la composante politique. Hélas, le juge anglais n’a rien fait de la sorte. Aussi, est-il impossible de parler de justice, même au sens européen du terme.

Sergueï, beaucoup de nos concitoyens écrivent que si j’avais raison, j’aurais dû défendre mon innocence devant les tribunaux kazakhs ! Apparemment, beaucoup ont oublié ou ne savent pas qu’en 2002 je suis déjà passé par ce chemin mais au final j’ai été emprisonné. Vous aussi, Sergueï, l’avez connu. Je sais que dans une telle guerre contre l’État, lorsque sont utilisés tous les moyens de destruction, y compris les criminels, il n’y a aucune chance de continuer à se battre depuis la prison, même depuis une prison britannique.

En Russie, j’ai essayé de coopérer avec les enquêteurs, lorsqu’en 2010 une affaire pénale venait d’être introduite sur plainte de BTA Bank. Par le biais de mon avocat russe, j’ai informé à maintes reprises l’enquêteur au sujet du lieu de ma résidence, de ma volonté de coopérer avec l’autorité d’instruction et de répondre à toutes ses questions. Toutefois, l’agent d’instruction Ourjoumtsev (ainsi que Boudilo faisant partie de la liste de Magnitski) a refusé de me poser des questions et a illégalement lancé un mandat de recherche à mon encontre, comme à une personne se soustrayant à l’enquête et dont on ignore le lieu de résidence.

Le juge Krivoroutchko (faisant également partie de la liste de Magnitski) a rendu la décision tendant à lancer un mandat de recherche et un mandat d’arrêt à mon encontre. Ainsi, ma personne a donc été rendue illégitime en Russie. Par ailleurs, ce fait n’a pas été divulgué dans la demande d’extradition de Russie et les preuves du mandat de recherche illégal à mon encontre ont été ignorées par la Cour d’appel de Lyon.

La décision de quitter l’Angleterre m’a été très difficile. C’était pour moi l’une des décisions les plus difficiles à prendre. J’étais parfaitement conscient des conséquences d’une telle démarche et de la manière dont elle serait exploitée par mes adversaires. Mais, malheureusement, le monde qui pour des observateurs extérieurs a des airs d’un mauvais et absurde thriller, est une réalité quotidienne pour moi. Même mes conseillers, voyant l’ampleur et le niveau des persécutions, étaient surpris de me voir encore en vie...

Je vois parfaitement comment fonctionne le système en Occident, et, après en avoir fait l’amère expérience, je sais à quoi m’attendre des « nôtres ». Et je connais trop bien personnellement Nazarbaïev qui en a fini sans pitié avec Sarsenbaïev, Nourkadilov et ses autres opposants. Si je n’avais pas eu le temps de quitter l’Angleterre, j’y aurais été écrasé depuis longtemps.

Mais même moi qui connais le vrai visage du régime, j’ai été frappé quand ma famille a été enlevée en Italie ! Pour moi, je m’attendais à tous les actes, y compris l’assassinat, mais enlever une femme avec un enfant ?! Où était le respect de la loi de la part de la police, du Procureur de Rome et du juge qui ont participé à ce crime ? L’Italie n’est elle pas un des pays occidentaux démocratiques, membre de l’Union Européenne ? L’ampleurde l’impact du lobby kazakh de Nazarbaïev sur la justice et les autorités des pays occidentaux, de la Russie et de l’Ukraine est incroyable !

La Russie a dû s’emparer de la Crimée faisant partie de l’Ukraine et commencer une guerre, pour que l’Occident commence à se rendre compte : « Oh ! Il s’avère que ce n’est pas tout à fait un pays démocratique ». Mais les procureurs et les juges en France ont fini par déclarer : « Il y a eu des centaines de violations de la Convention des droits de l’homme par la Russie seulement au cours de l’année dernière, et alors ? Cela ne signifie pas pour autant que dans l’affaire Ablyazov la Russie violerait ses droits ! »

Par ailleurs, la France a émis une réserve spéciale lors de la signature de la Convention des droits de l’homme. Son principe est le suivant : si la France constate des violations des droits de l’homme ainsi que des cas contraires à la législation française, la France se réserve le droit de refuser la demande de la partie requérante. Et maintenant, ayant la preuve de centaines de violations des droits de l’homme en Russie, de montage de toutes pièces de mon affaire pénale, d’absence des dommages causés à la Russie (ce disant, la Russie le reconnaît dans les documents d’extradition), les juges déclarent (en violation de la législation française) que cela ne signifie pas qu’il y aurait les mêmes problèmes avec moi en Russie !

Bien sûr, le système judiciaire des pays occidentaux est sans doute beaucoup mieux que le nôtre. Les décisions rendues par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence ont été annulées par la Cour de cassation. Mais ensuite nous avons obtenu la preuve que le juge et le procureur d’Aix-en-Provence ont agi en collusion avec mes adversaires et avons dû déposer une plainte pénale contre les juges et le procureur. J’ai été transféré à Lyon et mon affaire a été renvoyée pour être rejugée.

Un nouveau procès, mais les mêmes conclusions – on peut faire confiance aux garanties de la Russie. Les violations systématiques des droits de l’homme en Russie et les « graves défauts du système de justice pénale russe » ne peuvent pas « être étendus sur l’affaire de Mukhtar Ablyazov ». Nous avons de nouveau saisi la Cour de cassation. Ces différends peuvent durer des années, et je vais rester en prison et essayer de prouver quelque-chose...

Sergueï, je pense que nous devons évaluer raisonnablement l’Occident et la situation dans notre pays. En 2005, un sénateur américain m’a dit que « nous, l’Amérique, nous aidons les forts ». Et, en effet, regardez les événements en Ukraine. Lorsque des milliers de personnes sont descendues dans les rues, l’Amérique a pris une position ferme. Malheureusement, l’engagement politique et civique des citoyens du Kazakhstan est très faible. Et c’est là la principale raison pour laquelle les gouvernements occidentaux aident le régime Nazarbaïev – celui du « Leader de la Nation » qui gouverne le pays depuis 25 ans. S’ils savaient que les opposants au régime, prêts à se battre, se comptent par dizaines de milliers, alors la coopération et le soutien au régime Nazarbaïev seraient très limités, avec des réserves, prudents et honteux.

Sergueï, je n’ai encore jamais exprimé mon attitude envers vous. Je profite de cette occasion pour exprimer mon profond respect et l’admiration pour votre travail et votre civisme. On vous a poursuivi, battu, occasionné des entailles en forme de croix, calomnié et emprisonné pour une affaire montée de toutes pièces mais cela ne vous a pas arrêté.

Même quand nos opinions divergent, c’est toujours avec un grand plaisir que je lis tous vos articles. Quand les gens comme vous qui ont une position civique aussi solide, seront des centaines, des changements positifs auront lieu au Kazakhstan.

 

Respectueusement,
Mukhtar Ablyazov

Source: Facebook 

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